dimanche, septembre 24, 2006

Un esprit d'ouverture

Bob Rae a déjà fait la preuve tangible des qualités de leadership dont le Canada a besoin

Par Daniel Laprès
Article paru dans La Presse, dimanche le 24 septembre 2006, p. A16

Dans une semaine, aura lieu le «super weekend» où les membres du Parti libéral du Canada choisiront les délégués qui éliront leur prochain chef. Compte tenu de l'état actuel de ce parti carrément menacé d'être rayé de la carte au Québec, ce choix pèsera très lourd sur les chances du Parti libéral de connaître le renouvellement radical dont il éprouve un cruel besoin.

Les libéraux n'ont pas le choix : s'ils tiennent à ce que leur parti regagne la confiance des citoyens, qui a été minée non seulement par le scandale des commandites, mais aussi par la médiocrité, le manque de créativité politique et l'insignifiance du discours qui l'ont caractérisé ces dernières années, ils devront se donner un leader qui incarne ce changement vital pour l'avenir de leur parti. Et cela non seulement par ses paroles, mais aussi par son intégrité irréprochable, son expérience concrète et sa connaissance réelle de ce pays complexe qu'est le Canada.

Il est déjà évident que la course au leadership a présentement deux principaux meneurs : Michael Ignatieff et Bob Rae. Dès le départ, on a vu la vaste majorité des apparatchiks et députés du parti se précipiter tête baissée dans le camp Ignatieff. Dans la logique d'opportunisme à courte vue qui prévaut malheureusement trop souvent en politique, ceci ne saurait surprendre: M. Ignatieff était d'entrée de jeu décrété par les médias comme étant l'unique meneur, ceci après avoir, bien avant les élections de janvier 2006, préparé de longue date sa candidature.

M. Ignatieff jouit certes d'un parcours intellectuel impressionnant. Mais sa connaissance du pays réel lui fait particulièrement défaut - particulièrement en matière de politique étrangère et d'environnement où ses positions sont loin d'être rassurantes. D'où une certaine tendance à l'improvisation qui a caractérisé sa campagne jusqu'ici, avec nombre d'erreurs assez sérieuses pour faire douter de son jugement politique et de son aptitude à diriger le Parti libéral et le Canada.

Ainsi, on l'a vu récemment annoncer qu'il veut que le Québec soit reconnu comme «nation» dans la constitution. Cette orientation est pourtant bien subite de la part de celui qui, encore récemment, se déclarait contre le nationalisme québécois et qui, à peine 10 jours plus tôt, manifestait une douteuse maturité politique en évoquant le spectre alarmiste et grotesque d'une «guerre civile» suivant un éventuel OUI à un référendum. Aussi, M. Ignatieff a pris soin de ne pas nous dire comment il s'y prendrait concrètement pour en arriver à son but constitutionnel, ni ce que le fameux terme de «nation» signifie au juste pour lui. Enfin, M. Ignatieff s'est empressé de fermer la porte à tout nouveau pouvoir pour le Québec, ce qui démontre le caractère bien creux de sa reconnaissance de la «nation» québécoise, de même qu'une conception rigide du fédéralisme lequel, par définition pourtant, est appelé à constamment s'adapter aux nécessités d'une réalité politique, sociale et économique toujours changeante.

Une alternative plus sûre

L'autre principal meneur, Bob Rae, présente une alternative bien plus sûre. D'abord, par son appui indéfectible aux accords de Meech et de Charlottetown, il a prouvé son attachement aux aspirations des Québécois et Québécoises. Pour illustrer ce fait, je me souviens du regretté Claude Ryan qui, chez lui en 1999, me disait toute son estime pour Bob Rae à cause de sa loyauté et de sa réelle compréhension à l'égard du Québec. Aussi, on a vu Bob Rae actif dans le dossier de l'unité canadienne tout au long de la décennie ayant suivi le référendum de 1995, parcourant le pays de long en large, stimulant la réflexion et dynamisant les organisations fédéralistes, et cela au point où il était vu comme à peu près le seul au pays à faire preuve de réalisme face à l'urgence d'aborder de front le dossier de l'unité nationale, tandis que bien d'autres dormaient encore sur la «switch».

À travers son engagement à cet égard, et aussi dans nombre de dossiers cruciaux pour notre pays et dans lesquels il s'est concrètement engagé, Bob Rae a déjà fait la preuve tangible des qualités de leadership dont le Canada a besoin, en plus non seulement de bien parler le français, mais aussi de connaître profondément la culture et l'âme québécoises, ce qui constitue un atout essentiel face à l'éventualité d'un prochain référendum.

En ce sens, si les libéraux sont réellement concernés par l'unité canadienne et par la nécessité de changer profondément leur parti afin de regagner la confiance des Québécois, et aussi s'ils veulent choisir autre chose que l'improvisation, ils verront qu'ils peuvent se donner en Bob Rae un leader qui a déjà fait ses preuves de manière convaincante, en plus d'être doté de la force de l'expérience et d'un esprit d'ouverture qui est né d'une réelle et profonde connaissance de notre pays qu'il a, lui, pris la peine d'acquérir, tout en lui donnant le meilleur de lui-même.