lundi, décembre 18, 2006

SOMETHING VERY ROTTEN:

In the Kingdom of the Mounties, a thorough cleanup is essential

By Daniel Laprès
The author is a freelance writer and a member of the CanadianDemocratic Network.



(This is the English translation of my paper printed in yesterday's La Presse. Many thanks to my friend Axel Harvey who kindly made the translation).


In the report which he submitted this week to the House of Commons, Justice Dennis O'Connor does not merely show how the RCMP failed miserably in the case of Maher Arar: he also calls for increased surveillance of the force's operations involving national security.

But other RCMP practices - notably in criminal cases – require closer examination by the national media and federal legislators because they are a patent threat to the credibility and integrity of our judicial system. The Mounties have become adept at a highly dubious type of police operation in which the only objective - when substantive proof fails to appear or to be conclusive - is to menace suspects into "confessing" that they have committed a violent crime. This method, charmingly referred to in the force as "Operation Mr. Big", is certainly effective and convincing. In most cases juries deliver a guilty verdict after watching a video of the accused "confessing" to their deeds.

In the mind of the person who has made such a "confession", however, the people hearing it were not police officers recognizable as such but RCMP double agents pretending to be gangster bosses and making it clear - after the targeted individual was forced to do something illegal - that unless he "cooperates" and admits that he has really committed the offence of which he is suspected, they will "take care" of him the way gangsters deal with anyone they cannot trust.

This method has led to the conviction of innocent persons. In 1993, for example, Kyle Unger and Timothy Houlahan received life sentences in Manitoba for a sordid case of rape and murder after having "confessed" to RCMP agents who, they assumed, were drug dealers. But in 2004 DNA analysis showed they were innocent beyond any possible doubt. This was very good news for Kyle Unger. For Timothy Houlahan, however, there was a huge problem: he had killed himself in 1994.

The Mounties' "Mr. Big" operation was also instrumental in the meeting out of life sentences to two young men in the United States. Sebastian Burns and Atif Rafay also "confessed" – to pretend-gangsters played by RCMP agents acting on behalf of police forces south of the border - that they had murdered Mr. Rafay's family. Substantive and circumstantial evidence showed the accused were innocent, but a screening of the "confession" videos convinced the jury otherwise at the trial held in 1994. There is a website outlining the details of this "Mr. Big" operation, which was quite typical of other instances where the RCMP employed similar methods: www.rafayburnsappeal.com . But be warned: should you decide to view this (bilingual) site, make sure you are sitting down. What is revealed there is simply overwhelming; it is clear that Burns and Rafay truly feared their lives were forfeited if they did not "confess" to the pseudo-gangsters who were none other than RCMP agents. Furthermore, the two agents in question went so far as to search the cells of the accused in the Seattle penitentiary while their trial was under way. In the very middle of the trial, these two star witnesses had access to the accused's correspondence and personal documents, including confidential papers from their defence attorneys. The two Mounties were obviously shaken up when, by pure chance, their dirty tricks became public knowledge; but the episode shows how certain elements within the RCMP believe they can get away with what is, at best, cheating - when it isn't flagrantly illegal.

These facts are far from unique: there is a dossier of similar RCMP operations. We can thus seriously ask whether the law well served in Canada, given that the federal police force allows itself to apply such profoundly coercive methods - tactics which extort "confessions" at any price and which also grossly violate the values of human rights, integrity, and transparency in legal proceedings of which Canada so often boasts. Let us hope, then, that the present controversy around the Arar case will finally make us aware that something is very rotten in the kingdom of the Mounties, and that a thorough cleanup is essential - at least if we sincerely want Canadian justice to do everything possible to avoid damning the innocent.
Pourquoi il faut dénoncer la GRC


J'ai reçu bien des courriels et coups de fil suite à mon article paru hier dans La Presse. Un bon nombre me remerciait d'avoir dénoncé les agissements répugnants de la GRC dont j'y parlais. Bien entendu, j'ai eu aussi mon lot habituel d'attaques haineuses et d'insultes grossières de la part de la petite clique de fanatiques séparateux qui m'a pris en grippe parce que je prends la liberté de dire et publier ce que je pense. Mais en fait, je me fous complètement de ces derniers, car ces pauvres types sont d'un crétinisme qui saute aux yeux et, surtout, ce ne sont que des lâches qui se cachent derrière des pseudonymes, l'anonymat étant une posture bien douillette pour proférer des inepties délirantes et haineuses contre quelqu'un.

Cependant, certains parmi mes amis fédéralistes se demandent pourquoi j'ai pris la peine de dénoncer la GRC, symbole fédéral s'il en est un. Ma réponse est bien simple: c'est que, justement, parce que la GRC est un symbole et une instance importante du fédéral, les fédéralistes se doivent de vigoureusement dénoncer les exactions et fautes graves qu'elle commet. Nous devons refuser le fanatisme qui aveugle nos perceptions quant aux manquements et errements de notre propre camp. Et par dessus tout, il faut privilégier notre attachement aux droits de la personne, auxquels toute position politique doit être subordonnée.

Nous sommes en présence de personnes dont les droits sont bafoués par ces pratiques de la GRC qui entraînent la condamnation d'innocents. Devant cela, nous ne pouvons pas rester indifférents, et nous n'avons certainement pas le droit de justifier l'injustifiable. D'Holbach, ce grand philosophe des Lumières, avait pleinement raison lorsqu'il disait que «Tout homme qui n'est point alarmé d'une injustice faite au plus obscur de ses concitoyens est un imbécile qui ne mérite lui-même que les fers.» Et aussi, c'est parce que nous croyons dans l'idéal canadien qu'il nous faut dénoncer les pratiques de la GRC qui trahissent nos valeurs les plus fondamentales. Je suis philosophiquement un libéral, donc je crois au respect des droits de la personne, et je ne peux par conséquent accepter des pratiques policières qui favorisent la condamnation d'innocents.

Tout ce qui bafoue nos idéaux et nos valeurs doit être dénoncé sans concession. Et ce n'est pas là jouer le jeu de nos adversaires, contrairement à ce que certains m'ont dit. La GRC a des pratiques qui, en fait, nuisent gravement à la crédibilité de l'idéal canadien, et c'est pourquoi il faut d'urgence procéder à des réformes sérieuses dans cette agence, qui agit comme si elle n'avait aucun compte à rendre aux citoyens et qui commet abus après abus en toute impunité. Si on croit que la démocratie fait partie de nos idéaux, on ne peut tolérer dans notre pays des pratiques policières qui se révèlent dignes de la Gestapo.

Enfin, si vous voulez en savoir davantage sur ces "Opérations Mr. Big" de la GRC, vous pouvez consulter cet intéressant article que l'on trouve sur Workopolis.

dimanche, décembre 17, 2006

Quelque chose de pourri:
Au Royaume de la GRC, un ménage vigoureux et complet s'impose

par Daniel Laprès

(Article publié dans La Presse, dimanche le 17 décembre 2006, p. A18)

Dans son rapport déposé cette semaine à la Chambre des Communes, le juge Dennis O’Connor ne montre pas seulement comment la GRC a été gravement fautive à l’encontre de Maher Arar : il en appelle également à une surveillance accrue des opérations de sécurité nationale de la GRC. Cependant, certaines autres pratiques de la GRC, notamment en matière de justice criminelle, devraient elles aussi être davantage scrutées par les médias nationaux et par les parlementaires fédéraux, car elles mettent carrément en cause la crédibilité et la probité de notre système judiciaire.

La GRC s’est en effet spécialisée dans un type bien douteux d’opération policière, dont l’unique but consiste, lorsque la preuve matérielle s’avère manquante ou déficiente, à forcer sous la menace des suspects à «avouer» avoir commis un crime violent. Cette méthode, plaisamment baptisée par la GRC «Opération Mr. Big», s’avère certes très efficace et convaincante : la plupart du temps, les jurys émettent un verdict de culpabilité après avoir visionné une vidéo du prétendu passage aux «aveux» des accusés.

Mais, dans l’esprit de celui qui passe ainsi aux «aveux», ce n’est pas à des policiers reconnus comme tels qu’il «avoue», mais plutôt à des agents doubles de la GRC jouant le rôle de caïds du crime organisé et qui, après avoir contraint l’individu ciblé à commettre des actes criminels, lui font comprendre que s’il ne se montre pas «coopératif» en leur confiant qu’il est l’auteur du crime dont il est soupçonné, ils prendront «soin» de lui à la manière dont la pègre s’occupe des cas peu fiables.

Avec de telles méthodes, des innocents ont été condamnés injustement. Par exemple, Kyle Unger et Timothy Houlahan qui, en 1993 au Manitoba, ont été condamnés à la prison à vie suite à une sordide affaire de viol et meurtre, et cela après avoir passé aux «aveux» devant des agents de la GRC qu’ils prenaient pour des trafiquants de drogue. Mais en 2004, une analyse d’ADN a démontré hors de tout doute qu’ils étaient innocents. Pour Kyle Unger, ce fut une très bonne nouvelle. Mais concernant Timothy Houlahan, il y avait un gros problème : il s’est suicidé en 1994.

L’Opération «Mr. Big» de la GRC a également rendu possible la condamnation de deux autres jeunes hommes à la prison à vie aux Etats-Unis. Sebastian Burns et Atif Rafay sont eux aussi passés aux «aveux» devant de prétendus caïds personnifiés par des agents de la GRC qui agissaient pour le compte de la police américaine, pour le meurtre de la famille de M. Rafay. La preuve matérielle et circonstancielle disculpait pourtant les accusés, mais la présentation d’une vidéo des «aveux» avait su convaincre les jurés lors du procès tenu en 2004. Un site web présente d’ailleurs les détails de l’Opération «Mr. Big» dont l’orchestration est bien typique des autres causes où ce type de méthodes a été employé par la GRC: http://www.rafayburnsappeal.com/. Mais je vous préviens : si vous décidez de visiter ce site (qui est bilingue), soyez bien assis sur votre chaise car ce qui y est dévoilé est tout simplement renversant et démontre clairement que MM. Burns et Rafay craignaient réellement pour leur vie s’ils ne «confessaient» pas ce crime aux pseudo-gangsters qui n’étaient nuls autres que deux agents de la GRC. Aussi, les deux agents en question sont allés jusqu’à se permettre de fouiller dans les cellules des deux accusés à la prison de Seattle, et cela tandis que le procès était encore en marche. Ainsi, ces deux témoins vedettes de la poursuite ont, durant le procès même, eu accès au courrier et aux documents personnels des accusés, y compris ceux, confidentiels, provenant des avocats de la défense. Évidemment, les deux types de la GRC furent alors fort surpris que leur manœuvre sorte au grand jour grâce à un pur hasard, mais ceci démontre à quel point, chez certains à la GRC, tout semble permis, même la tricherie, sinon l’illégalité la plus flagrante.

Devant de tels faits, qui sont loin d’être les seuls concernant ce type d’opération qu’affectionne la GRC, on peut donc se demander sérieusement si la justice est bien servie au Canada lorsque la police fédérale s’autorise à de telles méthodes gravement coercitives et faites pour forcer des «aveux» à tout prix, et qui en plus bafouent effrontément les valeurs dont le Canada se targue souvent en matière de droits humains et de probité et transparence de la justice.

En ce sens, on peut espérer que la controverse actuelle autour de l’affaire Arar puisse faire en sorte qu’on se rende enfin compte qu’il y a quelque chose de vraiment pourri au royaume de la GRC, et qu’un ménage vigoureux et complet s’impose, du moins si l’on tient à ce qu’au Canada la justice fasse tout ce qu’elle peut pour éviter de faire condamner des innocents.