samedi, avril 28, 2007

L'Imam Falardeau
sera pas content...


Ce soir, j'ai eu le plaisir de recevoir à souper mon ami et collègue blogueur hérétique Yves, de Commentaires iconoclastes, qui nous vient de loin dans l'Est du Québec et qui était de passage à Montréal. C'était notre toute première rencontre, et nous nous sommes bien bidonnés à nous raconter les anecdotes désopilantes de nos aventures respectives avec nos séparateux enragés favoris.

Vous auriez dû entendre Yves me raconter ses bien téméraires incursions dans le forum du journal intégriste Le Québécois, c'était à s'en tordre de rire !

Pour faire une histoire courte : notre ami Yves se trouvait alors à personnifier l'agneau qui se retrouve en plein milieu d'une meute de loups enragés. Et figurez-vous aussi qu'aussitôt après avoir été déchiqueté à grandes et féroces mordées par les loups, ce qui restait de la carcasse de notre "agneau" s'est vite vu imposer le bannissement perpétuel de ce forum très "ouvert" et "tolérant", et cela par nul autre que le Dr. Patrick Bourgeoys, le Suprême Gardien de la Porte du Temple.

Parlant d'agneau, justement, j'avais décidé de préparer pour le souper une recette que j'affectionne particulièrement, et qui se nomme Agneau aux oignons blancs (voir image ci-dessus, tirée de Saveurs d'Algérie, de Fadéla Benabadji, éditions EDL). C'est que, compte tenu des propos complètement débiles et remplis de xénophobie maladive qu'a déjà tenus à l'encontre du cosmopolitisme culinaire le Guide Spirituel de l'aile intégriste du mouvement nationaliste et indépendantiste québécois, qui, bien sûr, n'est nul autre que Sa Splendeur l'Imam Pierre Falardeau, je me suis persuadé que je ne pouvais pas manquer de souligner la visite de Yves en préparant à son intention un plat de cette cuisine étrangère qui répugne si horriblement aux papilles gustatives de notre Imam national.

Donc, au lieu de ce « ragoût de pattes de nos mères » farouchement défendu par l'Imam Falardeau qui dénonce impitoyablement les méprisables «suceux de sushis» qui, selon lui, «crachent» dessus, j'ai donc décidé à mon tour de souscrire effrontément à ce qui, selon la Parole Sacrée de l'Imam, n'est que cette répugnante «idéologie à la mode, qui sert de pensée à tous les consommateurs d’exotisme culturel de surface».

Oui mes amis, vous avez bien lu (les citations de l'Imam sont exactes et elles ne sont en rien tirées de leur contexte) : selon la Science si Sublime de ce Grand Esprit qu'est l'Imam Falardeau, aimer la cuisine étrangère et manger de temps en temps autre chose que de la tourtière ou du ragout de pattes de cochon ne relèverait ni plus ni moins que d'une idéologie pernicieuse qui ne contribuerait qu'à souiller la Pureté de notre Grande Nation.

Vous aimez donc bouffer parfois de la cuisine vietnamienne, thaï, mexicaine, maghrébine, etc. Mais sachez donc, bande d'inconscients, que, ce faisant, ce n'est pas simplement votre appétit que vous vous trouvez à assouvir. Non, mes amis, réveillez-vous !!! Rendez-vous enfin compte que vous vous faites ainsi les ignobles complices d'une idéologie perverse qui détruit notre Âme Nationale tout en vous éloignant de ce Culte des Ancêtres dont la seule évocation fait se ramollir les jambes de notre Imam national. Comprenez aussi, gang de félons, qu'en vous adonnant à cette cuisine étrangère, vous commettez un abject crime de trahison nationale...

Devant un pareil sommet de bêtise, il faut dire que si le ridicule tuait, ça ferait longtemps qu'on aurait assisté aux funérailles de l'Imam Falardeau, car il est vrai que plus con que ça, tu meurs. Mais ces propos complètement débiles et xénophobes, l'Imam Falardeau les a bel et bien dits, pourtant, et publiquement par-dessus le marché. Après ça, on trouve encore des gens au Québec qui se croient sains d'esprit mais qui admirent quand même un personnage aussi réactionnaire et capable d'un crétinisme de si haute voltige, ou qui le trouvent encore "respectable". Trouvez l'erreur... parce que moi, ça fait déjà longtemps que j'ai lancé la serviette devant l'épaisseur d'un tel mystère...

J'ai donc, sans gêne aucune, rejoint moi aussi les rangs de ceux qui, toujours selon la Sainte Parole de l'Imam Falardeau, «se prennent pour le bout d’la marde, la crème de l’humanité, parce qu’ils mangent des sushis, des souvlakis ou de la panse de brebis farcie».

En fait, j'en suis d'autant plus fier après qu'une visiteuse de ce blogue m'ait rappelé, dans un commentaire laissé la semaine dernière, qu'il y a quelques années, l'Imam Falardeau s'en était pris au chroniqueur d'origine maghrébine Bernard Boulad, qui avait osé -- Ô l'infâme insolent! -- critiquer l'une de ses "oeuvres" si "géniales", du moins aux yeux de l'Imam lui-même. Et l'argument-massue de l'Imam Falardeau donnait en substance ceci : «C'est quoi, calisse, ton ostie d' problème, Boulad ? T'as pas digéré tes merguez ?».

C'est qu'il est vrai que l'Imam Falardeau a l'épiderme très sensible devant la moindre critique à l'égard de ce qu'il croit dur comme fer être son propre "génie". Mais quand la critique vient par surcroît d'un "étranger-qui-est-même-pas-né-icitte", l'Imam en perd vite les pédales et sa véritable nature se révèle alors dans ses plus beaux atours : se mettent alors à éructer de ses Lèvres Augustes de nauséabonds torrents d'insultes à caractère soit haineux, ou soit raciste comme lorsqu'il visait Bernard Boulad...

Toutefois, pour ce qui me concerne, ça me donne surtout le goût d'aimer les merguez encore plus qu'avant...

Donc, notre ami Yves et moi nous sommes régalés ce soir de ce savoureux mets algérien qu'est l'Agneau aux oignons blancs. Faut que j'avoue que j'en avais déjà fait à ma blonde, il y a quelques semaines, et son enthousiasme n'a pu que m'encourager à récidiver. Cette fois-ci, c'est donc Yves qui en a profité, le tout arrosé d'un excellent vin que ce connaisseur trop humble a judicieusement choisi.

Pour le cas où vous, cher lecteur ou lectrice, voudriez à votre tour vous adonner à cet affreux cosmopolitisme culinaire, donc joindre vous aussi les rangs de ces infidèles qui, en toute insolence, «se prennent pour le bout d’la marde, la crème de l’humanité» parce que vous osez, perfide graine de traître que vous êtes, manger parfois autre chose que la cuisine bien grasse de nos Glorieux Ancêtres, j'ai songé à vous partager la recette de ce plat algérien exquis qu'est l'Agneau aux oignons blancs. (Au fait, histoire de faire suer encore plus l'Imam Falardeau et ses adeptes dans leur dégoût pour tout ce qui est étranger, ça se dit ainsi en langue berbère : «Ilham bel bsal oua tomatech»). Et vous verrez, ça se prépare très facilement, un vrai charme, en fait...

Vous m'en donnerez des nouvelles... Bon appétit !

P.S. : Malgré les prétentions de l'Imam Falardeau, ne vous inquiétez pas trop : vous parlerez encore français après en avoir mangé, et votre identité québécoise n'en sera amoindrie d'aucune façon...


AGNEAU AUX OIGNONS BLANCS

Temps de préparation : 25 min.
Temps de cuisson : 1 h 20

Ingrédients :

500 g de côtelettes de longe d'agneau
500 g d'oignons
3 tomates
1/2 boîte de pois chiches
1/2 cuillerée à café de poivre noir
1 cuillerée à café de cannelle
1 cuillerée à café de paprika
2 cuillerées à soupe d'huile d'olive
sel/poivre

Déposer les côtelettes d'agneau dans une marmite avec la cannelle, le poivre noir et l'huile. Faites revenir puis couvrir d'eau en ajoutant le paprika et les pois chiches. Chauffer à feu moyen-doux.

Hacher grossièrement l'oignon. Couper les tomates en cubes de 3 cm. À mi-cuisson de la viande (donc après 40 minutes), ajouter l'oignon et les tomates dans la marmite et poursuivre la cuisson. Laisser mijoter pour réduire un peu la sauce.

Déposer sur un lit de couscous dans l'assiette. Déguster.

Astuce : les haricots verts frais conviennent également à cette recette à la place des oignons.

jeudi, avril 26, 2007


Des leaders musulmans démocrates canadiens contre l'intégrisme islamiste


Il y a deux semaines, je vous parlais du livre L'affaire des caricatures, du journaliste français Mohamed Sifaoui, lequel est régulièrement menacé de mort car c'est en tant que Musulman qu'il s'oppose et dénonce les fanatiques et extrémistes islamistes, sans jamais se laisser intimider par eux.

Or, j'ai pu constater depuis qu'au Canada aussi nous avons des leaders d'opinions Musulmans qui ont le courage d'affronter le fanatisme et l'intrégrisme islamistes. Ces concitoyens musulmans adhèrent pleinement aux valeurs démocratiques de notre pays, tout en acceptant de plein gré cette laïcité qui est la garante de la liberté absolue de conscience et de religion.
Et, au Canada aussi, c'est à leurs risques et périls que ces leaders musulmans démocrates affichent ouvertement leurs convictions. En effet, eux aussi se voient menacés de mort par les fanatiques islamistes.

Suite à la récente affaire du hijab dans les compétitions de Tae Kwon Doo qui est survenue ici au Québec, Mme Farzana Hassan et M. Tareq Fatah, respectivement présidente et fondateur du Congrès Musulman Canadien (Muslim Canadian Congress - MCC), ont publié un article dans le Globe and Mail du 18 avril dernier, pour dénoncer l'utilisation par les extrémistes de fillettes comme boucliers dans le but d'imposer leurs vues obscurantistes, de même que pour démontrer qu'il est faux de prétendre que le Coran imposerait l'obligation pour les femmes de porter ce symbole de soumission de la femme à l'homme qu'est le hijab. Le jour précédent, le MCC avait également émis un communiqué dénonçant la volonté des fanatiques d'utiliser le hijab comme outil politique. Ces deux textes se trouvent sur la page d'accueil du site web du MCC.

De plus, juste en dessous de l'article paru dans le Globe and Mail, et toujours sur cette page d'accueil du site du MCC, vous pourrez trouver de l'information sur les menaces de mort lancées contre les responsables du MCC par des fanatiques islamistes. Et ces menaces ne sont que les plus récentes à être survenues.

Plusieurs citoyens ont déploré que les leaders musulmans modérés et démocrates ne se font pas suffisamment entendre lorsque les extrémistes islamistes tentent d'imposer leur obscurantisme fanatisé, notamment en exigeant des accomodements religieux (il ne faut plus jamais parler d'accomodements «raisonnables», car il n'y a absolument rien de «raisonnable» dans ces exigences!). Or, les responsables du MCC l'ont fait, et cela très clairement. Je crois que cette information doit être diffusée au maximum, car elle prouve que la majorité de nos concitoyens de foi musulmane sont eux aussi opposés au fanatisme islamiste et à l'obscurantisme qu'il tente de répandre. De plus, les menaces de mort dont Mme Hassan et M. Fatah sont l'objet indiquent assez bien la somme de courage qui leur est nécessaire pour exprimer leurs convictions démocratiques et leur attachement à nos libertés.

Ces concitoyens courageux ont besoin de tout notre appui, et il me paraît également légitime et nécessaire de leur exprimer toute notre reconnaissance et toute notre solidarité. Je vous invite donc à visiter le site du CMM, et à exprimer à votre tour votre soutien à ses responsables, car en tant que musulmans, c'est leur vie même que ces démocrates mettent en jeu en osant ainsi affronter ouvertement le fanatisme islamiste.

samedi, avril 21, 2007

Mon "ami très cher"
m'envoie un hilarant
clin d'oeil...


Dans mon billet d'hier soir dans lequel je vous présente le truculent texte L'Appel de la Crasse de Louis Francoeur, qui s'était amusé à pasticher l'inoubliable Appel de la Race de l'abbé Lionel Groulx de si vénérée mémoire (du moins pour les nationaleux arriérés), je vous mentionnais qu'un "ami très cher" à moi était celui grâce à qui j'ai pu, récemment, entendre parler pour la première fois de ce savoureux écrit de Francoeur.

Je vous expliquais aussi que, "pour sa propre sûreté (ou la mienne ?)", je ne pouvais nommer cet "ami très cher" (voir sa photo ci-dessus), compte tenu du fait qu'il est assez connu et aussi que les disciples de l'Imam Pierre Falardeau, qui ne font pas souvent dans la tendresse comme vous le savez, le haïssent de toutes leurs tripes.

Or, mon "ami très cher" n'a pas tardé à réagir à mon billet, dans un courriel que j'ai pu prendre pas plus tard que ce matin. Je lui ai demandé la permission de le reproduire dans mon blogue, mais en préservant son anonymat, histoire de lui éviter le bûcher, auquel il a d'ailleurs souvent goûté par le passé, quoique il y ait bien survécu jusqu'à ce jour car il n'est pas du genre à se laisser intimider par les aboiements haineux de l'Imam Falardeau et autres demeurés du même acabit.

Je vous reproduis donc ici-bas sa missive bien hilarante, mais avant il faut que je vous explique un peu le contexte de certains de ses propos -- notamment lorsqu'il me salue en m'appelant "démon", et lorsque aussi mon "ami très cher" me dit qu'il n'a rien à me pardonner, même si je connais sa position... C'est que, il y a quelques temps, il me suggérait de ne pas trop m'occuper de l'Imam Falardeau, afin de ne pas lui donner trop d'importance, et aussi parce que cela choque parfois certaines bonnes âmes qu'il ne faudrait pas trop provoquer dans leur fureur...

En écrivant hier soir à mon "ami très cher" pour lui faire part du fait que j'avais fini par mettre la main sur L'Appel de la Crasse et que je l'avais sans tarder mis sur ce blogue, j'ai donc dû lui avouer que j'avais, encore une fois, moi le pécheur invétéré, été incapable de résister à la tentation de donner quelques coups de pattes à l'Imam Falardeau, puisque l'occasion se faisait si séduisante. C'est que je venais de lire il y a quelques jours une intervention de l'Imam Falardeau lors d'un show des Loco Locass, et dans laquelle il traitait de "caves" ceux qui osent critiquer l'héritage de Lionel Groulx, sous prétexte que selon lui le bon abbé fasciste et raciste était celui qui nous aurait redonné notre belle "Grandeur Nationale"... Alors, impossible pour moi de résister à la tentation dans pareilles circonstances...

Mais j'ai tout de même promis à mon "ami très cher" qu'à l'avenir je m'efforcerai d'être plus sage, quoique je ne puis rien lui garantir car à chaque fois que je prends connaissance des propos de l'Imam, j'y trouve toujours des conneries tellement grosses et délirantes qu'il me faut, la plupart du temps en vain, crier à en devenir aphone "VA DE RETRO, SATANAS !!!" pour essayer de chasser la tentation... Et j'ai beau m'asperger moi-même d'eau bénite, mais force est de constater que ça ne marche pas... du moins jusqu'à ce jour ! Mais gardons la Foi comme nous y appelait si bellement le bon abbé Groulx, et j'y arriverai peut-être un jour...

Bon ! Trêve d'explication... Voici donc le courriel en question de mon "ami très cher" :



De : " ___________ " <___________>
À : "Daniel Laprès"
Objet: RE: L'Appel de la Crasse !
Date : Sat, 21 Apr 2007 01:19:10 -0400


Salut, démon !

Immense merci pour le fou rire que tu viens de me donner -- autant à lecture de ton mail qu'à la relecture du bijou de Francoeur.

Yééééééééé ! ( Et puis... 'stie que ça fait du bien... si j'ose dire...)

Quel plaisir, non ? Le sien, celui de Francoeur, je veux dire : en le relisant, là, à l'instant, m'est immédiatement revenue l'impression très forte que j'avais déjà ressentie à la première lecture, il y a quelques années... la certitude qu'entre les lignes du texte, on l'entend, littéralement, physiquement, Francoeur, qui se marre comme un phoque, à tue-tête, en se tapant sur les cuisses. Ça c'est le sens du pastiche, mon ami, et de l'intelligence, dans les grandes largeurs.

Quand à tes coups de coudes à l'Imam... je n'ai rien du tout à te pardonner, mais tu connais ma position... quoique... je dois dire que... j'hésite à le formuler pour ne pas t'encourager au vice (hé hé )... mais il faut que j'admette... que je ne peux m'empêcher de songer... qu'à mon corps défendant je songe que... malgré moi s'impose l'ombre de l'idée que...
...
...
...
j'hésite encore...
...
...
...
...
le dire ?...
...
...
...
le taire ?...
...
...
...
Tant pis ! Je flanche !

Tu as parfaitement raison ! L'Appel de la Crasse au grand écran, avec... comment c' qu'y s'appelle, déjà ?... l'interprète créateur de Gratton soi-même, dans le rôle de Pepére... et Luc Picard en Memére... ce serait un cas d'au moins douze Oscar... d'une statue sur le parterre de l'Assemblée nationale avec copie conforme, miniature, dans le hall de la SSJB, sans compter un prix spécial italien, décerné par toute la presse de Berlusconi à l'unanimité... avec peut-être, dans quelques années, le Prix Sarkozi pour les Droits de l'homme ( J'ose à peine mentionner le Prix Joseph Gobbels [oups... orthographe ?]... Le Prix Joseph Gobbels pour la Conservation des Racines Identitaires.) Oui, oui, oui. ouiiiiiiiii... IL LE FAUT.
...
...
Je me calme.
...
Aaaaahhhh... quel plaisir, rire autant...
...
Dis donc, est-ce que ce n'est pas dans ce même recueil que se trouvait aussi un pastiche de Bourassa Henri, fondateur du célèbre journal intellectuel Le Bavoir ? Lui non plus, ce texte-là, n'était pas piqué des hannetons, si je me souviens bien...

Alors grand merci.

Allez, porte-toi bien. Et -- un conseil -- si tu reçois des oranges ou du chocolat par la poste ou par courrier, dans les semaines qui viennent... N'Y TOUCHE PAS !

Porte-toi bien, ô pote !

vendredi, avril 20, 2007

Quand Louis Francoeur
osait se moquer
du bon et preux
abbé Groulx

Louis Francoeur (1895-1941) (photo ci -contre, et dont on peut voir le monument qui lui est dédié à l'angle des rues Cherrier et St-Denis, à Montréal) était de son temps considéré comme l'un des plus grands journalistes de chez nous, en fait le plus brillant de sa génération.

Il y a deux semaines environ, un ami qui m'est très cher, mais que, pour sa propre sûreté (ou la mienne ?), je ne nommerai pas car il est assez connu (ce n'est pas un politicien, loin s'en faut!) tout en étant viscéralement haï par les nationaleux du troupeau de brebis qui vénèrent en bêlant l'Imam Pierre Falardeau, cet ami très cher donc, me mentionnait justement un texte que Louis Francoeur aurait fait paraître pour se moquer de nul autre que l'abbé Lionel Groulx, ce Père Fondateur, quoique ouvertement et fièrement fascisant, de ce bon vieux nationalisme québécois qui, encore de nos jours, fait se pâmer d'aise à peu près tout ce qui existe de bien-pensants sur notre Sol Sacré.

Ce texte de Francoeur, me disait alors mon ami très cher, avait pour titre L'Appel de la Crasse, et avait pour but de pasticher, pour s'en moquer allègrement, le célèbre "roman" L'Appel de la Race du bon et preux abbé Groulx.

Inutile de dire que je me suis sans tarder mis comme un forcené à la recherche de ce précieux écrit. J'ai fait le tour d'à peu près tout ce qui existe comme librairies d'occasions, et, le bonheur m'ayant enfin gratifié de son plus beau sourire, j'ai trouvé aujourd'hui même ce petit joyau littéraire à la librairie Débédé, rue St-Denis, niché dans l'un des coins les plus poussiéreux - là ou on ne s'aventure jamais - de l'arrière de cette librairie.

En fait, ce texte fait partie d'un recueil comprenant d'autres textes signés par Francoeur et son ami Philippe Panneton, et qui avait pour titre Littératures à la manière de... , paru à Montréal en 1941 (année de la mort de Francoeur), et dans lequel les deux compères s'étaient amusés à pasticher les écrivains d'ici les plus connus à l'époque. Quant à ce bel écrit qu'est L'Appel de la Crasse, il est le fruit de la plume de Francoeur lui-même.

Je me suis tellement délecté et amusé à cette lecture que j'ai aussitôt décidé d'en transcrire le texte afin de le rendre disponible sur Internet. Donc, ce soir est un moment solennel et historique, mes chers amis, car ce blogue commet une première mondiale en diffusant L'Appel de la Crasse sur le web, favorisant ainsi sa postérité universelle ! Je ne doute pas une seconde que nos amis nationaleux enragés, dont certains me font de temps en temps part de leur affection d'une manière touchante quoique assez singulière, en seront émus aux larmes !

Vous y reconnaîtrez le style littéraire du bon abbé Groulx, style compâssé et empreint de ses typiques bondieuseries patriotardes qui relèvent de la niaiserie la plus émouvante et qui également, durant de longues décennies, ont si bien su contribuer à arriérer et à scléroser la culture et la pensée québécoises. Ce style, que j'avais cru jusque-là inimitable, Louis Francoeur aura accompli l'exploit de le respecter religieusement avec son pastiche.

Aussi, une idée s'est d'elle-même imposée à mon esprit dès le moment où j'ai complété ma lecture : l'Imam Pierre Falardeau, qui de nos jours, en bon vieux réactionnaire qu'il est, se revendique haut et fort de l'héritage de l'idéologue de la Grande Noirceur qu'était le bon abbé Groulx et qui va même jusqu'à le défendre farouchement en insultant, toujours grotesquement bien sûr, quiconque ose s'en prendre à la douce mémoire du fervent admirateur des Pétain, Mussolini et Salazar et véritable Père Fondateur de son nationalisme arriéré, l'Imam Falardeau donc, pourrait, il me semble, puiser quelque inspiration dans L'Appel de la Crasse, car ce texte est certainement à la hauteur des merveilles cinématographiques dont son sublime génie daigne de temps en temps gratifier la société québécoise.

En effet, l'Imam Falardeau y retrouverait tout le bel éventail des idées arriérées qu'il s'époumonne inlassablement à glorifier : culte des Ancêtres, traditionalisme le plus étroit et bête qui soit, complaisance pour le massacre de la langue française et, surtout, attachement indéfectible à ce bon vieux régime de la Nouvelle-France intolérante, obscurantiste et réactionnaire qu'affectionne tellement notre Imam national. En effet, c'est précisément ce régime pour lequel, en bon disciple de Groulx qu'il est, l'Imam Falardeau (qui hait, comme on le sait, cette ignoble idéologie cosmopolite qui souille la pureté de notre Grande Nation jusque dans ses goûts culinaires) éprouve une si touchante nostalgie et que, de toutes ses forces, il espère voir se ré-implanter sur notre Terre Sacrée et choisie par l'Éternel en personne (du moins selon Groulx, et si Groulx le disait, nul doute que l'Imam Falardeau le croit dur comme fer).

Donc, mes chers amis, L'Appel de la Crasse me paraît une scène tout à fait digne de l'immense talent que notre Imam national ne manque jamais de déployer dans chacune des prodigieuses oeuvres cinématographiques qu'il ne cesse de créer pour enrichir le patrimoine culturel de l'humanité. C'est pourquoi, en plus d'accomplir de cette façon un acte grandiose et digne de ce nationalisme arriéré dont la seule pensée lui procure des cascades d'orgasmes, l'Imam Falardeau ne devrait pas hésiter un seul instant à consacrer sa propre gloire en immortalisant L'Appel de la Crasse grâce à ses ineffables dons pour le septième art. Je ne doute nullement que vous serez nombreux non seulement à abonder dans mon sens, mais aussi à réclamer avec une exaltation passionnée l'avènement de ce qui se révélerait immanquablement comme l'éclatante apothéose du génie falardien.

Ceci dit, n'ayant point une nature cruelle, je cesse dès cet instant de vous faire languir avec mes outrecuidances. Donc, mes chers amis, il est maintenant temps de vous recueillir, afin que vous aussi puissiez enfin, à votre tour, entendre L'Appel de la Crasse :


L'Appel de la Crasse

Abbé Lionel Groulx (pastiché par Louis Francoeur)

Ce soir-là, à la fin du souper, Pepére essuya religieusement avec une lichette de galette au beurre un restant de mélasse qui noircissait le fond de son assiette renversée pour le dessert. À ce geste, les vingt-quatre enfants et soixante-et-onze petits enfants qui formaient autour de la table en bois rond une couronne parfumée joyeuse, sentirent qu'il allait se passer quelque chose. Car c'était le geste préféré de l'Ancêtre aux moments graves de la vie familiale. Memére s'essuya la bouche avec sa jupe en bouragan, solide et plus belle en sa simplicité de toujours que toutes les mousselines et les falbalas des dames de la ville. Car depuis onze générations on se la repassait, inusable et traditionnelle.

Pepére, lui, sortit de sa culotte en corderoi une torquette de tabac rendue respectable par la caresse des mains campagnardes et dorée au bout par la morsure répétée de toutes les bouches du rang. Il se tailla une généreuse chique.

Un recueillement descendit sur la cuisine et sur le tambour, pareil à celui qui règne quand monsieur le curé monte en chaire pour le prône du dimanche. A la faveur de ce silence, on entendit tous les bruits nocturnes de la ferme : voix de l'écurie, voix de l'étable, voix de la soue, voix de la shed. On reconnaissait les taurailles à la mélancolie de leurs meuglements ; les moutons, à leur timbre mal assuré ; et les gorets au sérieux de leurs exclamations assourdies. La vieille Grise, la jument de garçon du Vieux, se taisait, elle, à son habitude. En effet, elle était partie, quinze ans auparavant avec l'acheteux de guenilles et n'était plus revenue, désertant ainsi le terroir natal pour le luxe trompeur de la ville.

« C'est à soèr qu'on s'nettèye », fit l'Ancêtre. Vous autres, beaux messieurs de la ville qui me lisez, vous ne savez pas ce que c'est que le grand nettèyage. C'est pas qu'un petit barda, je vous prie de le croire. Dans le rang Vide-Poche, derrière le grand trécarré, ce rite accompli deux fois l'an, à la Noël et après les foins, a gardé sa véritable importance. Fidèles aux traditions ancestrales, nos Habitants ne voudraient pas se servir de cette espèce de liquide bizarre qui coule de vos champlures. Il leur faut la bonne eau du bon Dieu dont, en sachant la valeur, ils usent avec économie.

L'Aïeul continua au milieu du silence ému : « Toé, Paméla, va qu'ri un siau d'eau. Comme le bon Ieu a été flush c't'année et qu'i nous a enwoyé les trois bessons de Belzémire, j'pense pas qu'i y aye de l'eau d'resse de l'année passée, à c't'heure. Et pis, si on l'use pas toute, tu la gârderas pour la couquerie ! ».

Paméla se leva avec la conscience d'accomplir une fonction traditionnelle et sacrée que tous les vieux, ceux qui avaient défriché, sumé, rapaillé, enfirouâpé la terre avec le pére et le pepére, avaient fidèlement accomplie dans le passé, aux mêmes époques et avec la même eau. La brimballe tintinnabula sur le paleron de la gaule et, par adon, la bistaque du branleux se mit à bretter en fortignant le long de la grémille du varjet qui était un peu éclanche.

Sans qu'il fut besoin d'un ordre du pére, le p'tit dargnier, le gnochon, comme on l'appelait, sortit de son ber et commença de lui-même à se dévêtir. Il ôta d'abord sa tuque de laine caille, son capot d'étoffe du pays et sa robe de baptême, car, né d'une race fière, béni dès son berceau, chez lui comme chez l'érable, la valeur n'attendait pas le nombre des années. Pendant ce temps-là, Memére avait rajué d'aveindre du fond d'un cabaneau le baquet à lessive. Quand l'eau pure, lente, remplit le vaisseau où avaient été lavés les garibaldis, les nuages et les câlines de tant de générations nourries de beans, de soupane, et d'oreilles-de-criss, l'Aïeul s'assit.

L'un après l'autre, comme au bon vieux temps, tous entrèrent dans le baquet, depuis le plus petit, Vannutelli, en passant par Arménia, Congressa, Ti-Pit', Wolfred, Vincent-Ferrier, Marc-Aurèle et Polion (deux bessons, ceusses-là itou), Jean-Mozart, Tharcisius, Trefflé, Dollard, Créoline, Jean-Baptiste de la Salle. Vénérie à Ti-Phonse, qui ne se sentait pas en trime, obtint du chef de famille la permission de s'abstenir. C'est elle qui tenait le rouleau pour essuyer les petits. Successivement, tous entrèrent dans le baquet patriarcal dont les ais semblèrent tressaillir d'aise en les recevant dans ses flancs hospitaliers.

Quand Memére à son tour sortit de l'eau, Pepére se dévêtit. Il ôta sa ceinture fléchée, son coat, son rasetrou, sa bougrine et ses suyers d'boeu. Ses gestes avaient la noblesse du geste auguste du semeur. Chacun se recueillit et fit cercle autour de sa tête blanchie par les ans et de ses pieds devenus semblables au terroir généreux qu'ils avaient si longtemps fécondé.

Lorsqu'il laissa tomber sa bretelle avec la précision du laboureur qui guide le soc d'une main ferme, on sentit la bretelle de toute une race qui tombait quand et la sienne.

« Baisse le blagne, sacré bateau ! », fit-il d'une voix brève et grave. Puis, lentement, il pénétra dans le baquet qui gémit de plaisir sous son poids. La camisole enlevée laissa voir deux bras narveux et noueux comme les racines de l'érable-à-Giguère, un torse aussi massif que les Laurentides natales et comme elles couvert d'une vigoureuse frondaison.

A ce moment, sentant passer sur leurs têtes, avec celui de l'Aïeul, le souffle de l'âme nationale, tous les rameaux de ce tronc magnifique se mirent à tressaillir soudain d'une allégresse spirituelle qui anima leurs voix douces et sonores, qu'ils essayaient de rendre énergiques et frêles :

« Ils ne l'auront jamais (bis)

L'âme de la Nouvelle-France ;
Redisons ce cri de vaillance :
Ils ne l'auront jamais, jamais. »

Les voix étaient fausses mais justes. Les voyelles et les consonnes allaient frapper les solives emboucanées, tombaient sur le poêle à trois ponts, passaient de là sur le side-board et pénétraient le coeur de toutes ces junesses comme une sève vigoureuse dont ils se sentaient prêts à éclater. Et le vieux, auréolé de sa chevelure et de son pinch de neige, les yeux fixes, les narines frémissantes, les mains étendues comme pour bénir sa semence, les pieds dans le baquet familial, écouta retentir à ses oreilles enfardochées le vibrant et magistral Appel de la Crasse.


Tiré de : Louis Francoeur et Philippe Panneton, Littératures à la manière de... , Montréal, éditions Variété, 1941.

mercredi, avril 18, 2007



Il faut s'engager


J'ai reçu beaucoup de courriels depuis l'article que j'ai publié dans La Presse de dimanche dernier, et je suis très heureux de constater que beaucoup de gens partagent les préoccupations que j'y ai exprimées sur la nécessité de préserver et de défendre la laïcité dans l'espace public de notre société, de même que nos valeurs de liberté et de démocratie, tout en protégeant la liberté absolue de conscience et d'expression. Certains m'ont même envoyé des textes très bien construits et argumentés, mais que malheureusement ils n'ont pas pu faire publier. Ceci indique que beaucoup de personnes ont le désir de contribuer au débat de façon positive, et c'est bon signe.

J'ai cependant l'impression que bien des gens se sentent encore isolés par rapport à cet enjeu crucial, et voudraient apporter leur contribution. Ce fait m'a fait beaucoup réfléchir ces derniers jours. Comme plusieurs, je constate que, le plus souvent, les médias ne publieront pas les textes ou lettres que les citoyens et citoyennes leur envoient sur ce sujet. Aussi, on est pris avec la tendance "politically correct" qui fait en sorte que les bien-pensants dominent sur la place publique, ce qui fait qu'il devient difficile de rappeler certains faits essentiels ou principes fondamentaux, sans faire de concession par rapport à l'obscurantisme, à l'intégrisme et au fanatisme. Ou encore, ce sont les démagogues réactionnaires, racistes et xénophobes qui se font entendre et qui profitent de ce genre de situation pour imposer leurs vues qui outragent la conscience humaine.

Il faut également prendre en compte le fait que ce ne sont pas les partis politiques ni les gouvernements qui, en ce moment, sont les mieux placés pour défendre les principes laïques et démocratiques que, de peine et de misère, notre société a fini par se donner. Par exemple, on se souvient que, récemment, André Boisclair avait osé dire qu'il fallait enlever le crucifix de l'Assemblée nationale, ce sur quoi il avait entièrement raison (une fois n'est pas coutume, mais là-dessus, j'étais bel et bien totalement d'accord avec lui !), surtout quand on sait que ce crucifix n'y est pas pour des raisons prétendument "historiques" comme le clament certains fumistes, mais tout simplement parce qu'en 1937, le despote Maurice Duplessis l'y avait fait installer pour consacrer l'alliance de l'Église et de l'État. Pourtant, malgré la pertinence de sa position, André Boisclair a dû reculer sous la pression. Ceci indique que, tous partis confondus, les politiciens sont trop lâches pour faire les gestes qui s'imposent, et que les partis sont trop sclérosés ou trop peureux pour adopter les mesures nécessaires à la préservation de nos libertés fondamentales.

Il faut quand même défendre nos libertés et nos valeurs, et pour cela, il faut s'engager. Chacun et chacune de nous ne peut pas se contenter de seulement parler ou de protester tout en restant isolé dans son coin.

Pour ma part, j'ai résolu la question il y a deux semaines à peine, en signant mon adhésion au Mouvement Laïque Québécois (MLQ), car cette organisation me paraît être la seule qui aborde la question des menaces posées par l'intégrisme religieux d'une manière humaniste, progressiste, ouverte et responsable, tout en étant très ferme et sans concession sur les principes. Mais je croyais que le MLQ, qui existe depuis 25 ans, avait beaucoup plus de membres qu'il n'en a en réalité, ce qui m'a surpris, et ce qui indique aussi combien, pour promouvoir nos libertés fondamentales, cette organisation, qui arrive pourtant à faire un remarquable travail de conscientisation, a besoin de tout le soutien qu'elle mérite, et aussi de la participation active du plus grand nombre possible de citoyens et de citoyennes dont les préoccupations correspondent pourtant bel et bien à celles partagées par la majorité de notre population.

L'enjeu est clair : si les humanistes et les progressistes ne prennent pas, le plus tôt possible, le leadership sur la question de la montée de l'intégrisme religieux chez nous, ce sont les réactionnaires, les xénophobes et les racistes qui vont s'en occuper pour nous. Et les conséquences risquent à terme d'en être assez effroyables.

Personnellement, je n'ai pas senti le besoin de partager toutes les vues exprimées par le MLQ sur toutes les questions sur lesquelles il s'est prononcé jusqu'ici. D'ailleurs, le MLQ regroupe des gens qui partagent des vues diversifiées sur les autres enjeux de société, et cela est très bien ainsi. Mais sur le fond et sur les principes, je partage entièrement les orientations de cette organisation, et j'ai décidé de lui exprimer mon soutien en en devenant un membre actif.

Si vous voulez faire vous aussi votre part, partager vos idées tout en contribuant à renforcer la laïcité et les libertés dans notre société, et aussi combattre les dérives et récupérations réactionnaires, obscurantistes et xénophobes, je vous invite à considérer de devenir vous aussi membre du MLQ. C'est là poser un geste citoyen concret, qui permet aussi de joindre vos efforts à ceux et celles qui veulent défendre et promouvoir nos libertés dans notre société, et aussi combattre l'intégrisme et le fanatisme religieux.

Pour adhérer au MLQ, c'est très simple : vous allez sur son site web et, dans la colonne de gauche, vous cliquez sur "Pour nous joindre", pour ensuite cliquer sur "Adhésion au MLQ et abonnement au bulletin". En devenant membre, vous devenez ainsi automatiquement abonné au bulletin du MLQ, qui a pour nom "Cité Laïque" et qui est en fait une publication d'une très haute qualité qui procure une large panoplie d'informations pertinentes et utiles à la réflexion et à l'action.

Quelles que soient leurs sensibilités sur d'autres questions, les démocrates qui veulent que notre société reste libre et ouverte peuvent trouver dans le MLQ un lieu adéquat pour sortir de leur isolement, et aussi pour jouer leur rôle de citoyens et de citoyennes vigilants et conscients du fait que notre démocratie et nos libertés ont besoin d'être défendues et renforcées. Il en va de la responsabilité de chacun d'apporter sa pierre à l'édifice.

lundi, avril 16, 2007

Un journaliste musulman contre le fanatisme

Pour ceux et celles qui souhaitent s'informer plus en profondeur sur les dérives du fanatisme religieux et sur les menaces qu'il fait peser, de l'intérieur même de nos sociétés démocratiques, à nos libertés fondamentales, je recommande chaleureusement la lecture du livre L'Affaire des caricatures : dessins et manipulations (éditions Privé), du journaliste français Mohamed Sifaoui.

L'auteur est un croyant de foi musulmane, pour qui la démocratie et la laïcité sont des valeurs qui priment sur les croyances religieuses ou philosophiques individuelles. Il est l'un de ceux qui ont le courage d'enquêter sur les réseaux islamistes actifs dans nos sociétés démocratiques et libérales, et d'en dénoncer les manoeuvres sournoises qui visent à intimider, sinon à attaquer, nos sociétés ouvertes et libres, et cela dans leurs fondements mêmes. Et pour cela, Mohamed Sifaoui est vu comme un traître et un hérétique aux yeux des fanatiques islamistes. Et pour cela aussi, il est - on ne s'en surprendra pas - régulièrement menacé de mort.

Nous nous souvenons des événements violents ayant suivi la publication de dessins de Mahomet par un journal danois. Ce pays paisible, caractérisé pour sa tolérance et son accueil généreux des resssortissants et réfugiés de partout dans le monde, s'est alors vu outrageusement calomnié, menacé et vicieusement attaqué par les franges extrémistes qui ont profité de la libéralité de la société danoise pour l'intimider d'une manière révoltante.

Ce faisant, ces fous de dieu ont fragilisé les conditions mêmes de ces réfugiés et immigrés, dont l'immense majorité rejette pourtant le fanatisme, ou qui même, dans plusieurs cas, l'ont fui pour se réfugier dans des pays où leurs libertés fondamentales sont protégées. Ce seul fait rend d'ailleurs encore plus odieux et répugnants à la conscience humaine les actes de ces fanatiques religieux, car ceux qui alors en souffrent sont des innocents qui méritent pourtant et pleinement tout le soutien et toute la générosité de nos sociétés libérales et démocratiques. Chaque humaniste et progressiste devrait sentir sa conscience outragée et blessée devant l'action de ces fanatiques qui nourrissent ainsi, en s'en faisant les alliés objectifs, les tendances racistes, xénophobes et d'extrême-droite qui, tout comme l'intégrisme et le fanatisme religieux, piétinent la dignité de la personne humaine.

Mohamed Sifaoui a infiltré les réseaux islamistes présents au Danemark, pour démontrer, preuves à l'appui, que toute cette affaire des "caricatures", qui en réalité n'étaient pas autre chose que des dessins qui n'avaient rien d'outrageant, avait été montée de toute pièce par des fanatiques islamistes danois qui ont délibérément embrasé les pays musulmans afin de les rendre hostiles à ce pays d'accueil qu'est pour eux le Danemark. Le plus choquant est que, comme le démontre l'auteur, ces sinistres personnages vivent à mêmes les deniers publics du peuple danois, peuple qu'ils ont sciemment décidé de trahir par les actes haineux qu'ils ont planifiés et provoqués contre lui.

Ce livre décrit donc une à une les étapes de cette campagne d'agression orchestrée par les fous de dieu islamistes, tout en illustrant leurs mensonges, leurs manipulations sournoises et leur profond et viscéral mépris pour les valeurs démocratiques et pour les droits et libertés des individus. Ce faisant, l'auteur, par ce livre rempli de révélations révoltantes, éveille chaque démocrate où qu'il soit, et de quelque croyance religieuse ou philosophique qu'il soit, sur les dangers qui pèsent présentement sur nos libertés fondamentales. Et aussi, ce livre aide à comprendre que, malgré les calomnies lancées sous couvert de dénonciation mensongère de "xénophobie" ou de "racisme", la vérité est que ce à quoi il faut s'opposer, ce qu'il faut combattre, c'est non pas une religion en elle-même, dans ce cas-ci l'Islam, mais le fanatisme et ses manoeuvres sournoises et violentes.

En ce sens, Mohamed Sifaoui ne fait pas que nous convier à une plus grande lucidité. Il nous incite à dire haut et fort que les démocrates qui combattent le fanatisme religieux ne sont pas "islamophobes" comme le prétendent mensongèrement les fanatiques qui insultent ainsi nos valeurs fondamentales dont celle de tolérance n'est pas la moindre, mais plutôt "fanatismophobes". Ce mot-là, d'ailleurs, on devrait le lancer sur la place publique, histoire, là aussi, de mettre les choses au clair, car qu'il s'agisse de religion ou d'idéologie, le fanatisme demeure bel et bien cet "Infâme" que Voltaire, il y a plus de deux siècles, appelait à écraser. La réalité actuelle indique, hélas, que beaucoup reste à faire pour y arriver. Restons donc vigilants, informons-nous, et, surtout, ne nous gênons pas pour revendiquer et assumer, en les défendant lorsqu'il le faut, notre démocratie, nos libertés et nos valeurs humanistes.

Enfin, nous ne pouvons qu'admirer le courage de ce musulman qu'est Mohamed Sifaoui. Cet esprit libéral, ce démocrate, refuse, au risque de propre vie, de voir ses propres croyances spirituelles perverties et dévoyées, voire caricaturées, par le fanatisme. En cela, il est une inspiration pour chacun et chacune de ceux qui croient que la démocratie, la dignité humaine et la liberté doivent primer sur toute croyance dogmatique, et qu'elles représentent aussi ce qui, dans toute société ouverte, tolérante et pluraliste, doit être considéré comme sacré.

dimanche, avril 15, 2007

Le sommeil de la raison engendre des monstres
Francisco GOYA


TROP ACCOMMODANT?

Les institutions publiques n'ont pas à se plier à quelque croyance religieuse que ce soit

par Daniel Laprès

Article paru dans le cadre de la rubrique D'un Canada à l'autre,
La Presse, Montréal, Dimanche 15 avril 2007, p. A12

C’est Voltaire qui disait : « Définissez les termes, vous dis-je, ou jamais nous ne nous entendrons ! » Le moins qu’on puisse dire au sujet du débat qui sévit sur les accommodements prétendus « raisonnables », c’est que la confusion règne toujours. Inspirons-nous donc de la maxime de l’auteur du Traité sur la tolérance pour qu’enfin les choses soient mises au clair dans ce débat.

En fait, peu d’intervenants ont osé admettre que le fond du problème, c’est celui des fondements mêmes des religions et de leur place dans une société démocratique, libérale et laïque. Seul le Mouvement Laïque Québécois a eu la lucidité de souligner le fait que le vrai débat concerne des accommodements religieux qui, par définition, n’ont strictement rien de raisonnable. La religion n'a en effet rien à voir avec la raison, et cela même les croyants honnêtes l’admettront.

Ainsi, parler d’accommodements raisonnables, ce n’est pas forcer les institutions publiques à se plier à des demandes irrationnelles dont les fondements proviennent essentiellement des fables propres à chaque secte religieuse. En réalité, les accommodements raisonnables existent déjà depuis longtemps chez nous. Un accommodement raisonnable, c’est lorsqu’une institution corrige les effets discriminatoires non intentionnels de certains règlements ou normes, et cela en fonction de principes rationnels et tangibles comme l’équité, l’intégrité physique et la sécurité, dans le cadre de mesures visant entre autres les handicapés, femmes enceintes, personnes âgées, etc.

Par contre, parler d'accommodements religieux nous oblige à nous poser certaines questions fondamentales sur le genre de société qu’on veut construire. Par exemple: après nous être débarrassés de la domination de l'Église catholique sur notre société et nos institutions collectives, voulons-nous que la contrainte religieuse ressurgisse, cette fois en entrant par les fenêtres du sous-sol? Ce qu’on a acquis au Québec, assez péniblement d’ailleurs, c’est la reconnaissance du fait que la religion est une affaire strictement privée, et qu'elle doit rester en dehors de la sphère publique que sont nos institutions sociales et collectives.

Les gens peuvent bien croire à ce qu'ils veulent, même à des fadaises superstitieuses si cela leur chante : cela ne concerne qu’eux, et ce droit doit toujours être respecté. Mais les institutions publiques n’ont pas à se plier à quelque croyance religieuse que ce soit, surtout quand cela provient d’intégristes religieux qui méprisent la démocratie et les libertés. C'est à ce prix, et à ce prix seul, qu'on peut garantir dans notre société le pluralisme, la tolérance et, surtout, ces libertés que nous avons acquises si chèrement.

Parlant de libertés justement, on a vu récemment que, dans certaines démocraties d’Europe, certains mouvements intégristes réussissent à museler carrément la liberté d'expression. L'affaire des caricatures au Danemark, l'assassinat du cinéaste Theo Van Gogh en Hollande, et aussi la pièce Mahomet, ou le tombeau du fanatisme, de Voltaire, dont on a forcé l’annulation à Genève, ou encore les représentations de l'opéra Idoménée, de Mozart, qu'on a presque réussi à faire annuler en Allemagne : ces faits démontrent éloquemment où nos démocraties en sont rendues en matière de libertés fondamentales.

Une société où l’on ne peut plus jouer librement une pièce de Voltaire ou un opéra de Mozart à cause de la pression insidieuse d’intégristes religieux ou des menaces de représailles de fanatiques, c’est une société dont les libertés sont gravement menacées. Et ces libertés, il appartient à chacun de nous de les défendre, sans jamais plier devant l’intégrisme ou le fanatisme, et même en les défiant s’il le faut. Car ce qui est sacré chez nous, ce n’est pas quelque dogme ou fable religieuse que ce soit, ni la parole ou l'icône d’un quelconque «prophète» ou leader religieux.

Ce qui est sacré chez nous donc, c'est la liberté d'expression, la liberté absolue de conscience, l'égalité entre l'homme et la femme, et aussi des institutions publiques libres de toute contrainte religieuse. Ceci implique qu’on a aussi le droit de respecter ou non certaines croyances, et de dire ce qu'on pense d'elles, même de les dénigrer si on le veut, sans se voir pour cette raison menacé en aucune manière par qui ou quoi que ce soit, dans la mesure cependant où les personnes et leurs droits fondamentaux, ceux qui sont partagés par tous dans notre société, sont toujours respectés.

Ceux qui s’en effarouchent n’ont qu’à aller vivre dans des pays où leurs dogmes religieux sont ─ souvent cruellement ─ appliqués à la lettre, et où ils pourront sans doute être pleinement heureux. Sinon, ceux qui ont des croyances dogmatiques peuvent toujours critiquer à leur guise ceux qui ne partagent pas leurs vues. Ils peuvent même créer des pièces de théâtre pour les dénigrer, et jamais ils ne seront menacés dans leur droit de le faire. Parce qu’ici, justement, ce qui est sacré, c’est la personne humaine, sa dignité et ses libertés. Et pas question d’y renoncer.

samedi, avril 07, 2007

De quoi lire
pour se déniaiser...

Me voici de retour après deux semaines de grève de "blogage", ayant été assez occupé avec d'autres rédactions qui accaparaient toute mon attention...

Tous mes regrets donc à mes aimables visiteurs, dont certains m'ont gentiment envoyé un courriel pour s'assurer que je me portais bien. Et surtout, noblesse oblige, mes plus sincères excuses à la petite clique d'opposants nationaleux enragés qui sont devenus des fidèles lecteurs de ce blogue, avides qu'ils sont d'y puiser la dose de rage nécessaire à leur ferveur fanatisée et que mes propos, fort hérétiques à leurs yeux, leur procurent allègrement. Que ces âmes zélées se rassurent : vraiment, loin de moi l'idée de leur imposer un sevrage aussi cruel et inhumain...

Je veux vous parler aujourd'hui du dernier numéro (en fait un numéro double) de la revue Liberté (dont j'avais présenté le numéro précédent dans mon billet du 8 janvier dernier). Encore une fois, l'équipe et les collaborateurs de cette revue récidivent dans leur volonté de déniaiser les esprits englués dans la vulgate sociale-nationale à la sauce québécoise pimentée par les Claude Jasmin, les Imam Pierre Falardeau et autres fumistes et charlatans du même acabit, qui, en bons curés qu'ils sont, veulent à tout prix nous imposer leur conception du "Salut National", tout cela prétendument pour notre "Bien", même si ça nous fait mal et dont, surtout, ils décrètent les termes à notre place, puisque pour eux, de penser par nous-mêmes est une chose tout à fait inconcevable, sinon condamnable dès que nos points de vue ne sont pas les leurs.

Le thème de ce numéro est La mort du Québec: pour qui sonne le glas ? , cela en guise de réponse aux propos alarmistes tenus par l'écrivain Jacques Godbout sur la mort du Québec qu'il prévoit pour l'an 2076 (ces propos de Godbout avaient été publiés dans l'édition du 1er septembre dernier du magazine L'Actualité). Ce qu'on sent s'exprimer, sous diverses tonalités, dans cette édition de la revue Liberté, c'est un certain ras-le-bol de ces curés prétendument défroqués qui sonnent constamment le glas des clochers pour protéger la "Nation Québécoise" contre les sombres menaces et complots ourdis pour la réduire à néant, et cela que lesdits complots et menaces viennent des immigrés, des Anglos, de l'Ogre fédéral ou, pire encore, de ces francophones Québécois, ces traîtres qui commettent l'hérésie de croire que le Canada est une bonne chose pour le Québec et qui ne tombent pas en pamoison toute béate ni devant le fleurdelysé, ni d'ailleurs devant quelque drapeau que ce soit.

D'évidence, d'une telle paranoïa, mêlée de défaitisme culturel, les divers auteurs des articles de ce numéro en ont plein leur casque, et leurs propos indiquent qu'ils aimeraient bien qu'on passe enfin à autre chose, cet autre chose étant ce qui nous renvoie à la vie, la vraie, la nôtre, celle qui aujourd'hui appartient à chacun de nous dans notre irréductible individualité, et cela au lieu de nous enliser dans les fantasmes et mythes "nationaux" dont ont nous a gavés jusqu'à plus soif depuis les beaux jours du très réactionnaire chanoine Lionel Groulx, véritable Père fondateur de ce nationalisme identitaire dont se revendiquent toujours les chantres actuels de la "Nation", ceux-ci s'acharnant inlassablement à nous imposer, à partir des tribunes qu'ils contrôlent, un conformisme de plus en plus niais. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à se taper les chroniques d'un toujours prévisible François Parenteau dans le Voir, ou à regarder quelques émissions de Tout le monde en parle...

Vous en doutez encore ? Eh bien, regardez du côté de la scène officielle des arts et de la culture au Québec : si tu grattes la guitare avec un certain talent et que tu veux pogner au Québec, t'as intérêt à faire vibrer la corde nationaliste. Faute de flatter dans le sens du poil la masse nationalisée par tes chansonnettes, ou encore de faire plaisir aux oreilles de ce qui sert maintenant de chroniqueurs au journal Voir, penses-y même pas, t'es foutu, mon vieux... Sauf de très rares exceptions, bien sûr, mais celles-là ne font que confirmer la règle solidement établie en nos belles terres où la pensée unique nationalisto-indépendantiste tient lieu de Loi Sacrée...

Pour vous donner un avant-goût du genre de contenu qu'on trouve dans ce numéro, je vous signale un seul parmi les articles qui y sont publiés, ceci pour ne pas vous priver du plaisir de vous le procurer et d'en apprécier vous-mêmes la lecture au complet... (Bien entendu, soit dit en passant, je suis persuadé que vous aurez le bon goût de l'acheter dans l'une de ces vraies librairies que sont nos librairies indépendantes !) ...

Dans son article qui est le tout premier du numéro, Olivier Kemeid relate d'abord l'expérience qu'il a connue lorsqu'il avait réagi de manière virulente dans Le Devoir aux propos de Jacques Godbout. Kemeid s'était vite vu taxer d'être un disciple de ces Grands Satans que sont aux yeux de nos nationaleux invétérés les Pierre Trudeau, Paul Desmarais ou Alain Dubuc. Pas de surprise ici, cependant : cette rengaine-là, usée jusqu'à l'os, elle est toujours systématiquement servie à quiconque ose critiquer le moindrement la pensée unique nationaliste. Mais les chantres de ladite pensée unique n'ont pas craint le ridicule (qui, après tout, ne tue pas, il est vrai) : Kemeid, voilà un patronyme qui paraissait bien suspect aux oreilles de certains parmi nos nationalistes qui aiment bien pourtant prononcer le plus souvent possible les mots "Québec-pour-le-Monde"... Ainsi, une certaine dame Rolande Allard-Lacerte, dans Le Devoir du 19 septembre 2006, soupçonnait vraisemblablement Kemeid d'être un adepte de la burga. L'ironie, comme le raconte de manière savoureuse Olivier Kemeid, est qu'il est «né au carré St-Louis à Montréal, d'une mère canadienne-française et d'un père catholique blanc-de-peau-quoique-basané arrivé ici à l'âge de six ans». Tiens toé, Madame Allard-Lacerte...

Ensuite, Kemeid s'attaque au révisionnisme qui a frappé la lecture de l'histoire du Québec post-duplessiste. Ainsi, nos nationalistes réussissent à trouver du bon au dictateur corrompu Duplessis, celui-ci ayant eu le mérite à leurs yeux d'incarner un Chef s'étant tenu debout devant Ottawa, cet Ogre fédéral que je vous mentionnais plus haut. Faut d'ailleurs se rappeler que l'un des premiers gestes du Parti Québécois prétendument progressiste, lors de sa première prise du pouvoir en 1976, fut d'ériger la statue de Duplessis devant l'Assemblée Nationale, histoire d'honorer le Chef et sa belle conception de la démocratie et de la liberté. Mais il est vrai que pour les nationalistes, quand on a été champion de la "totonomie provinciale", comme la dénommait si joliment Jean-Charles Harvey, on peut se faire pardonner bien des errements et friponneries, y compris l'arriération sociale, économique et culturelle dans laquelle Duplessis a maintenu la société québécoise durant tant d'années.

Kemeid ne laisse planer aucun doute quant à son peu de goût pour une telle réhabilitation de Duplessis, qu'il refuse toutefois de diaboliser car, après tout, il faut le reconnaître, Duplessis «n'a tout de même pas réussi à extirper complètement le Québec du monde». Donc, montrons quelque indulgence à l'égard de Duplessis pour un tel échec, et en cela je suis bien d'accord moi aussi. Mais Kemeid fronce quand même les sourcils devant la tendance à voir surtout du bon dans ce despote corrompu et ennemi des libertés: «Que l'on nuance une époque entrée dans la légende, soit. Mais de là à passer outre à la Loi du cadenas, la persécution des intellectuels, l'immobilisme social, le conservatisme régressif et avant tout cette perpétuation du passé (...), il y a là un fossé que je ne franchirai pas. (...) Lorsque j'entends les prosateurs de la nuance invoquer tour à tour les grands travaux de Maurice Le Noblet Duplessis, du pont Le Gardeur à Repentigny aux 8000 hommes à l'île Sainte-Hélène en passant par les 35 millions de dollars sous forme de crédits agricoles aux cultivateurs, je me dis - et je sais que la comparaison va vous faire sursauter - qu'on peut également affirmer, avec une certaine vérité historique, que sous le IIIe Reich le taux de chômage était très bas.»

Kemeid, le téméraire bien imprudent, va plus loin, allant jusqu'à critiquer ce même révisionnisme qui fait en sorte que «les écrits de Lionel Groulx sont évoqués avec une certaine tendresse, suivis d'un sempiternel et toujours suspect "il faut remettre ça dans le contexte"».

Ah, "Le Contexte" !!! Heureusement que nos adorateurs de Groulx l'ont, celui-là! Pour eux, "Le Contexte" explique tout, justifie tout, même l'ignoble et l'injustifiable. Groulx était fasciste, anti-démocrate, antisémite et promoteur du cléricalisme le plus réactionnaire. Groulx admirait les Salazar, Mussolini et autres dictateurs fascistes d'Europe, en plus d'avoir souhaité ardemment l'avènement d'un Chef National du même genre au Québec. Mais nos nationalistes nous disent que Groulx ne pouvait pas faire autrement, car c'était à cause du "Contexte"! Pourtant, les Jean-Charles Harvey, Hector de Saint-Denys Garneau, Télesphore-Damien Bouchard, Paul-Émile Borduas et j'en passe, eux aussi, ils étaient dans ce même «Contexte», donc de la même époque que Groulx, mais ça ne les a pas empêchés de s'opposer au nationalisme arriéré de Groulx, à l'antisémitisme, au fascisme, ni de promouvoir des valeurs humanistes et de liberté. On se souvient peu de ces gens, cependant, tandis que Groulx a sa station de métro à Montréal, et bien des rues et collèges dédiés à son nom.

Mais c'est vrai, Groulx, quoique fasciste et réactionnaire jusqu'à la moëlle, nous avait prétendument redonné notre "Grandeur Nationale", et c'est pourquoi nos nationalistes d'aujourd'hui demeurent pour la plupart pâmés devant ce "Grand Homme", même si en vérité il nous a surtout légué une lecture de l'histoire complètement débilitante et mythologisée, remplie par surcroît de bondieuseries patriotardes qui confinent à la plus pure niaiserie. (Au fait, soyez avertis : si jamais vous osez toucher à Groulx, sa plus grande émule d'aujourd'hui, l'Imam Pierre Falardeau, vous fera passer un bien mauvais quart d'heure... C'est qu'en bon réactionnaire qu'il ne manque jamais de prouver qu'il est, l'Imam Falardeau sait reconnaître les siens).

Parlant justement de ces figures de notre histoire qui, dans le même "Contexte" que celui de Groulx, se battaient pour faire entrer le Québec dans la modernité tout en combattant ceux qui, comme Groulx et Duplessis, s'acharnaient à le maintenir dans un état d'arriération globale, Olivier Kemeid souhaite d'emblée qu'on les sorte de l'oubli dans lequel les gardiens du Temple nationaliste les ont confinées. Il appelle à «distinguer ce qui, dans le système alors en place, tentait de lutter, de faire subversion, de provoquer des brèches. (...) Si l'on prend 1933, par exemple, et plus généralement les années 1930, on ne peut ignorer le vent de pensée qui agite la province : la fondation de L'Ordre d'Olivar Asselin, la "rénovation intellectuelle" souhaitée par Le Clairon de T. D. Bouchard, Le Jour de Jean-Charles Harvey, La Relève de Robert Charbonneau, Vivre de Jean-Louis Gagnon. Comment ne pas y voir une période préfigurant les années d'ébullition de la Révolution tranquille ? (...) De ces subversifs-là, nous n'entendrons jamais trop parler ; le devoir de mémoire nous pousse à les honorer, du moins à rappeler leur passage. Or, de la même manière qu'en littérature on a tendance à cautionner les grands canons du roman national au détriment des voix discordantes, l'histoire officielle tend à mettre de côté les précurseurs de la réforme au profit des "grands chefs d'État". La déraison prônée par les précurseurs dérangeait, et dérange encore ! »

Ces quelques éléments ne constituent qu'un survol bien partiel de l'article de Kemeid, qui s'étend sur bien des faits historiques dont l'interprétation qu'il en fait vaut la peine d'être lue et réfléchie. Mais avec de tels propos, je n'ai aucun doute qu'Olivier Kemeid (que l'on ne verra pourtant pas de sitôt, j'en suis sûr, parader dans les rues le corps drapé dans l'unifolié un premier juillet, car cet irréductible tenant de la liberté de pensée ne me semble pas du genre à se laisser embrigader par quoi ou qui que ce soit) va en déranger plusieurs, particulièrement du côté des gardiens du Temple nationaliste. Et, avec bon nombre des auteurs de ce numéro de la revue Liberté - parmi lesquels on retrouve avec plaisir les Pierre Lefebvre, Robert Richard et Michel Morin qui persistent et signent dans leurs hérésies particulières, on peut présumer que Kemeid n'a pas fini lui aussi de déranger. Et c'est tant mieux, car il est plus que temps qu'un vigoureux déniaisage s'opère enfin en profondeur sur la scène culturelle et intellectuelle du Québec.