jeudi, mars 22, 2007

Religions :
des choses
à mettre au clair


Dans tout le débat que nous connaissons au Québec sur les accomodements prétendus "raisonnables", on est obligé de constater que, d'abord, on nage en pleine confusion, et aussi que peu de gens se sont risqués à aborder le fond du problème, qui est celui des fondements mêmes des religions et de la place qui doit être la leur dans une société démocratique, ouverte et laïque.

Si la confusion règne, c'est parce que, justement, nous parlons d'accomodements "raisonnables", alors qu'en réalité il n'y a strictement rien de "raisonnable" dans le phénomène religieux. La plupart des croyants l'admettront eux-mêmes, la religion n'a en effet rien à voir avec la raison, car elle relève de croyances strictement surnaturelles et irrationnelles. C'est donc la déraison que l'on consacre par ce genre d'accomodements. En ce sens, ce n'est pas d'accomodements raisonnables dont on devrait parler, mais bien plutôt d'accomodements religieux. Et parler d'accomodements religieux, ça nous force à nous poser certaines questions de fond sur la société dans laquelle on veut vivre.

Par exemple: après nous être débarrassés de l'influence de l'Église catholique qui pesait comme une chape de plomb sur notre société mais qui a été, fort heureusement, chassée par la grande porte de nos institutions collectives, voulons-nous que la religion ressurgisse de nouveau, cette fois en entrant par les fenêtres du sous-sol? Pour ma part, je fais partie de ceux qui considèrent que la religion, c'est strictement une affaire privée, et qu'elle doit rester en dehors de la sphère publique que sont nos institutions sociales et collectives. Les gens peuvent bien croire dans ce qu'ils veulent, c'est leur affaire à eux. Mais jamais nos institutions ne devraient se plier à quelque croyance religieuse que ce soit. Des salles de prière, c'est bon pour les résidences privées ou pour les églises, temples, mosquées, pagodes, etc., mais ça n'a pas d'affaire dans nos écoles où dans tout autre lieu appartenant à l'État, donc à l'ensemble des citoyens, qu'ils soient croyants ou non. Les religions ne devraient bénéficier d'aucun passe-droit à cet égard. C'est à ce prix qu'on pourra garantir le plurarisme, la tolérance, et surtout la liberté, dans notre société.

Aussi, on le voit dans certains pays d'Europe, certains mouvements intégristes sont en train de museler la liberté d'expression. L'affaire des caricatures au Danemark, l'assassinat du cinéaste Théo Van Gogh en Hollande, et aussi la pièce Mahomet, ou le tombeau du fanatisme de Voltaire qu'on a réussi à empêcher de jouer à Genève, ou encore les représentations de l'opéra Inomédée de Mozart qu'on a presque réussi à faire annuler en Allemagne, montrent bien que l'intégrisme islamiste est en train de miner nos libertés fondamentales. D'ailleurs, même ici au Québec, je parierais gros que n'importe quelle troupe de théâtre qui serait assez téméraire pour jouer cette même pièce de Voltaire se verrait l'objet de menaces, sinon d'attentats. C'est dire combien nos libertés ont reculé sous la pression insidieuse et sournoise des fous de dieu et du fanatisme le plus abject.

Pour ma part, je le dis sans gêne aucune: on doit préserver dans notre société le droit de critiquer et de dénoncer les religions, qu'elles qu'elles soient, et d'affirmer haut et fort, si on le pense, qu'elles sont absurdes, aliénantes et insensées. Ce qui est sacré chez nous, ce ne doit jamais être quelque dogme ou fable religieuse que ce soit, ni la parole ou l'icône de quelconque "prophète" ou leader religieux. Ce qui est sacré chez nous donc, c'est le droit à la liberté d'expression sans aucune limite autre que la propagande haineuse, et aussi des principes tels que la liberté absolue de conscience, l'égalité entre l'homme et la femme et un espace et des institutions publiques libres de toute influence religieuse. En un mot, ce qui est sacré chez nous, c'est la personne humaine, sa dignité et sa liberté.

Encore une fois, la religion doit rester cantonnée à la sphère privée. Et on a aussi le droit de respecter ou non certaines croyances, et de dire ce qu'on pense d'elles, même de les dénigrer si on le veut, dans la mesure cependant où les personnes et leurs droits fondamentaux, ceux qui sont partagés par tous dans notre société, sont toujours respectés. Pour ma part, je ne demande pas aux gens de respecter mes convictions philosophiques ou autres, mais cependant, mon droit de dire ce que je pense librement et de critiquer les croyances, lui, doit être respecté. Idem pour ceux qui ont des croyances dogmatiques, qui peuvent bien critiquer les convictions des non-croyants, et aussi les dénigrer s'ils le veulent. Seule une société qui préserve la laïcité dans l'espace institutionnel public peut garantir ces droits et ces libertés fondamentaux et universels, qui doivent toujours être accessibles à chacun, quelles que soient ses croyances ou convictions.

C'est pour alimenter la réflexion sur ces questions importantes pour nos libertés que je signale la sortie récente d'une ré-édition (en format poche, donc économique) du livre de Paul-Henri Thiry d'Holbach, La Contagion sacrée, ou Histoire naturelle de la superstition. Philosophe de l'époque des Lumières (mais dont l'oeuvre a cependant été beaucoup trop négligée jusqu'ici), d'Holbach (dont je parlais pour la première fois dans un billet de janvier dernier) avait été l'un des premiers à faire fi des persécutions religieuses qui le menaçaient constamment pour analyser de manière incisive et sans complaisance l'aliénation religieuse et l'étonnante liste d'absurdités qui leur servent de fondements.

C'est une petite maison française, les éditions Coda, tenue entièrement par des bénévoles, qui s'est attelée à la tâche de faire redécouvrir ce grand humaniste dont le combat a contribué, aux côtés des Voltaire, Diderot et bien d'autres, à faire éclore le droit à la liberté de conscience dans notre civilisation. Les éditions Coda ont donc récemment permis de faire ressortir de l'oubli des oeuvres importantes de d'Holbach dont, en plus de celle dont je vous parle aujourd'hui, Le Christianisme dévoilé et la Théologie portative, dont chacune vaut vraiment le détour.

Lire d'Holbach, c'est se donner les moyens de comprendre la fausseté et l'absurdité des fondements des religions, et leur impact funeste dans l'histoire humaine. C'est ainsi voir les religions pour ce qu'elles sont en réalité: des affabulations inventées de toute pièce pour répandre la superstition et l'esprit de soumission, afin de consolider des pouvoirs absolutistes et liberticides. C'est enfin constater que les religions ont entraîné (et entraînent toujours) des conséquences funestes pour notre humanité, et nul besoin d'en réitérer la liste tellement leurs ravages sont évidents. Comme le démontre d'Holbach, les religions sont incompatibles avec la morale la plus élémentaire et avec les devoirs de chaque être humain à l'égard de son prochain, car elles déresponsabilisent l'individu par rapport à sa propre conscience, qui pour les religions ne doit servir que de hochet à ses interprètes qui cherchent toujours à imposer leurs volontés aux consciences, permettant ainsi de justifier ce qui, trop souvent, s'est révélé immoral et inhumain.

Comme le dit si justement d'Holbach :

«Tout système religieux fondé sur un dieu si jaloux de ses droits qu'il s'offense des actions et des pensées des hommes, un dieu vindicatif qui veut qu'on défende sa cause, une telle religion, dis-je, doit rendre ses sectateurs inquiets, turbulents, inhumains, méchants par principes et implacables par devoir. Elle doit porter le trouble sur la Terre, toujours remplie de spéculateurs dont les idées sur la divinité ne s'accorderont jamais, elle doit appeler les peuples au combat toutes les fois qu'on leur dira que l'intérêt du Ciel l'exige.

Mais Dieu ne parle jamais aux mortels que par des interprètes, et ceux-ci ne le font parler que suivant leurs propres intérêts ; et ces intérêts sont toujours très opposés à ceux de la société. Le vulgaire imbécile ne distinguera jamais son prêtre de son dieu. Dupe de sa confiance aveugle, il n'examinera point ses ordres, il marchera tête baissée contre ses ennemis, et sans s'informer jamais du sujet de la querelle (qu'il serait d'ailleurs incapable d'entendre), il égorgera sans scrupule ou s'exposera à mourir pour la défense d'une cause dont il n'est point instruit. Sa fureur se proportionnera néanmoins, à la grandeur du dieu qu'il croit intéressé dans la querelle. Et comme il sait que ce dieu est tout-puissant et que tout lui est permis, il ne mettra point de bornes à sa propre haine, à sa férocité : il les regardera comme des effets légitimes du zèle que son dieu doit exciter dans ses adorateurs.

Voilà pourquoi les guerres de religion sont les plus cruelles de toutes. En un mot, toute âme en qui le fanatisme religieux n'a point éteint les sentiments de l'humanité, est brûlée d'indignation et déchirée de pitié à la vue des barbaries, des perfidies et des tourments recherchés que la fureur religieuse a fait inventer aux hommes.

Ce fut communément au nom de Dieu et pour venger sa gloire que les plus grands forfaits se sont commis sur la Terre. Si je parcours la Terre en demandant à chacun de ses habitants ce qu'il pense de la bonté, de la justice, de la douceur, de la sociabilité, de l'humanité, de la bonne foi, de la sincérité, de la fidélité de ses engagements, de la reconnaissance, de la pitié filiale, etc, sa réponse ne sera point équivoque : chacun approuvera ces qualités, il les jugera nécessaires, il en parlera avec éloge. Mais si je lui demande, ce qu'enseignent les prêtres, ce que disent les lois et ses souverains, ce que ses usages demandent de lui : jamais nous ne pourrons nous entendre, jamais nous ne tomberons d'accord sur rien.»

Des propos comme ceux de d'Holbach, que ce soit ceux contenus dans cet extrait ou dans le reste de ses oeuvres, relèvent de l'évidence, à condition toutefois qu'on ait le moindrement conscience des faits de l'histoire humaine passée ou présente. La Contagion Sacrée nous fait comprendre, de manière informée et lucide, comment le phénomème religieux s'est emparé de l'esprit humain, et à quelles absurdités - et même horreurs - il l'a conduit. Il y a ici un lien de cause à effet qui est indéniable.

Ce que dit d'Holbach devrait être davantage entendu et réitéré de nos jours, et jamais on ne devrait accepter qu'il soit interdit de le clamer haut et fort, quitte à faire sourciller les fanatiques de toutes sortes, qu'ils soient chrétiens, musulmans, juifs, ou de quelque religion que ce soit. S'ils s'en sentent outragés dans leurs croyances, c'est leur affaire et ça ne concerne qu'eux, tout comme, pour ma part, c'est moi que ça concerne lorsque ma conscience humaine est choquée et outragée devant les atrocités et cruautés commises hier et aujourd'hui au nom des religions, sans parler des bêtises aliénantes qu'elles répandent et qui font injure à l'esprit humain. Libre donc à quiconque de croire à ce qu'il veut, même à des fables, quelles qu'elles soient, car chacun, chez nous, jouit de la liberté de conscience. Mais dans notre société ouverte et démocratique, on devrait toujours avoir le droit de dire librement ce qu'on pense, même concernant les fables religieuses, de même que l'aliénation et les absurdités qu'elles répandent.

Quiconque vit ou choisit de vivre ici devrait comprendre que ce droit à la liberté de pensée et de parole est une chose sacrée et qu'il est l'un des fondements principaux de notre société. Ceux qui ne peuvent supporter une telle liberté n'ont qu'à déménager à Téhéran, en Arabie Saoudite, au Vatican ou dans quelque autre contrée plus compatible avec leur intégrisme et où, sans doute, ils pourront vivre pleinement heureux.

lundi, mars 19, 2007

Les délires
complotistes

Je m'intéresse depuis longtemps déjà au phénomène des dérives sectaires et de la montée de l'irrationnel dans nos sociétés censées être si "avancées".

D'un côté, il y a les fanatismes de toutes sortes qui font toujours leurs ravages, qu'ils soient motivés par la religion, l'idéologie, la race, la nation, etc., et qui relèvent toujours de l'irrationnel. Pour les fanatiques, l'être humain individuel n'a pas de poids : seul compte le groupe, devant lequel l'individu doit s'effacer, et tout écart par rapport au dogme doit être pourfendu impitoyablement. Pour les fanatiques, l'opinion discordante, qui est le fruit de la liberté de pensée, doit être anéantie, quitte à anéantir l'être humain qui l'émet lorsqu'on le peut ; ou sinon, lorsqu'on n'a pas le pouvoir d'éliminer physiquement un individu, on n'a plus qu'à se réjouir de sa mort, comme on l'a vu par exemple lorsque, en 2004, le coeur bien haineux de l'Imam Pierre Falardeau s'est mis à dégouliner de joie lors de la mort de Claude Ryan.

Mais il y a aussi cette efferverscence que connaissent de nos jours les théories du complot. On n'a qu'à surfer sur le web pour mesurer l'étendue du phénomène. Et souvent, il m'arrive de discuter avec des gens que je connais depuis longtemps et qui, jusque là, me semblaient tout-à-fait rationnels et mesurés. Mais quelle n'est pas ma surprise lorsque je les entends à leur tour divaguer à voix haute sur ces fadaises que sont les théories du complot. À les en croire, le 11 septembre 2001 aurait été le fait de la CIA et non de terroristes fanatiques (comme si le terrorisme islamiste n'existait pas en réalité) ; les "Illuminatis" contrôleraient la mondialisation de l'économie ; la franc-maçonnerie, ou mieux encore : la judéo-maçonnerie satanique, étoufferait toute notre humanité de ses tentacules visqueuses, etc., etc. Il y en a même qui croient dur comme fer que ce sont les extra-terrestres qui gouvernent le monde, et que nos gouvernements nous cacheraient toute l'information à ce sujet.

Quand on touche à ces domaines-là, le moins qu'on puisse dire est que l'imagination de certains se fait très créative, surtout quand on sait qu'ils ne documentent en rien leurs thèses loufoques. D'ailleurs, c'est un phénomène très lucratif pour ceux qui publient des livres relatant leurs théories à la con: pour s'en rendre compte, on n'a qu'à penser aux centaines de milliers d'exemplaires vendus par un fumiste tel Thierry Messan, qui est justement le premier auteur (du moins francophone) à avoir prétendu que le 11 septembre aurait été planifié par le gouvernement américain lui-même. Selon lui par exemple, il n'y aurait pas d'avion qui serait tombé sur le Pentagone (mais où se cachent depuis tout ce temps les gens qui étaient dans cet avion, dont une vedette de CNN et toute une classe d'enfants d'une école primaire de la région de Washington?), tout cela serait le résultat d'un sombre complot ourdi par les puissances qui dominent secrètement le monde.

L'avantage des théories du complot, c'est de donner une explication facile sur des événements qui paraissent incompréhensibles. C'est une approche très rassurante d'un premier regard, car elle permet de trouver des certitudes là où il n'y en a pourtant pas. Mais elle n'en exprime pas moins un refus de la pensée rationnelle, celle-ci supposant l'effort de vouloir comprendre un monde et une humanité qui sont essentiellement complexes, donc qui sont tout sauf simples. En un mot, adhérer aux théories du complot, c'est surtout renoncer à penser par soi-même, pour croire sur parole un "gourou" qui, lui, prétend détenir la clef de toutes les explications de tous les phénomènes, fussent-ils "mystérieux", qui nous préoccupent.

Ceux qui choisissent de penser par eux-mêmes et de manière rationnelle trouveront beaucoup de profit à lire L'imaginaire du complot mondial, de Pierre-André Taguieff, et qui est paru dans la petite collection de poche des éditions Mille et une nuits. En fait, ce livre de 220 pages ne coûte que $5. 50, donc ça ne vaut pas la peine de s'en passer pour ceux qui sont intéressés (Taguieff avait produit un autre livre, celui-là beaucoup plus volumineux, sur le même sujet : La foire aux illuminés, qui lui aussi vaut le détour pour ceux qui veulent s'informer plus en profondeur).

Dans ce livre, Taguieff nous présente le phénomène de ce mythe moderne qu'est le "complot mondial" dans la culture populaire contemporaine. Proposant une caractérisation de la vague complotiste qu'on voit se répandre de nos jours, il nous montre comment elle s'enracine en exploitant l'incertitude et le soupçon, de même que les tendances irrationnelles qu'on retrouve du côté de l'ésotérisme. Par exemple : l'engouement pour le Da Vinci Code de Dan Brown, qui n'est pourtant qu'un simple roman mais dont plusieurs croient qu'il révélerait des "vérités cachées" par les "puissances occultes de ce monde", ou encore pour le fameux Livre Jaune, un best-seller en quelques tomes écrit par un pur hurluberlu allemand qui fait une fortune phénoménale avec ses élucubrations grotesques gobées béatement par des masses inouïes de lecteurs. Aussi, comme exemple tangible de ce phénomène,Taguieff dissèque avec efficacité le mythe du "complot juif mondial", en démasquant ses origines fondées sur un faux célèbre, le Protocole des Sages de Sion, tout en nous faisant parcourir l'évolution de ce même mythe jusqu'à ses manifestations toujours présentes et fortement enracinées en ce début du XXIe siècle.

Quand on constate combien important et lucratif est le marché pour ce genre de fadaises, on en arrive à une principale conclusion: l'irrationnel a bel et bien ses raisons. Devant quoi ce qu'on peut souhaiter le plus, c'est que la voix des esprits rationnels et raisonnables, qui forment encore tout de même un gros contingent dans notre société, se fasse entendre plus fort que celle des fumistes qui alimentent et attisent le délire général avec leurs élucubrations, et cela à leur plus grand profit. Chose certaine, lire Taguieff, c'est lire un antidote efficace pour se prémunir contre ce genre de fadaises, afin que l'on devienne de plus en plus nombreux à faire l'effort de penser par soi-même, pour comprendre le monde tout en acceptant le fait de sa complexité inhérente, complexité qui appelle des réponses fondées, raisonnées et crédibles, et non des simplifications outrancières ou des élucubrations de fumistes.

samedi, mars 17, 2007

La hyène enragée récidive...

J'ai hésité un peu avant de vous faire part d'un courriel que j'ai reçu cette semaine. C'est qu'en général je ne tiens pas à donner trop d'importance aux messages haineux et anonymes dont je suis de temps en temps gratifié, vu l'insignifiance et la débilité pathétique de leur contenu et de leurs auteurs, qui sont toujours les mêmes, d'ailleurs, à être obsédés par ma petite personne, et qui semblent s'être abonnés à mon blogue dans le seul but de s'injecter la dose de rage nécessaire à leur fanatisme. Mais il est vrai qu'il est parfois bon de rire un peu, alors cette fois, je vous partage donc l'une de ces édifiantes missives qui polluent fréquemment ma boîte de courriels.

J'ai donc reçu cette nouvelle perle littéraire à minuit et demi, dans la nuit de mercredi à jeudi. Vous noterez d'entrée de jeu qu'il faut être bien malade entre ses deux oreilles pour dédier ses énergies à composer et envoyer ce genre d'inepties délirantes, par surcroît à une heure aussi tardive. Seul une attitude de hyène enragée peut expliquer un pareil phénomène. Voici ce que donne l'édifiante missive en question:

À : "Laprès Daniel" <dlapres@yahoo.ca>
Objet: Le fanatisme hystérique à l'état pur
De :
LG.Qc@voila.fr
Date : Thu, 15 Mar 2007 00:18:33 -0400

Re :
http://www.expressoutremont.com/article-84732-La-complainte-du-fou.html
(et lapresd.blogspot.com/ - dlapres@yahoo.ca)

Hélas ! vous avez bien raison, madame François et M. Jasmin : ce cas Laprès relève de la pathologie mentale.
Un pareil mélange de masturbation publique et de fanatisme idéologique, ce n'est pas fréquent dans une société évoluée comme celle du Québec.
C'est l'exception qui confirme la règle, je suppose.
Dieu que cet individu est ridicule...
L.
(anonymat non par dissimulation, mais pour éviter de recevoir les imbécilités que vous acheminez à longueur de journée aux gens qui ne partagent pas votre hystérie politique aux odeurs talibanes. Vous êtes vraiment, mon cher Laprès, d'un pathétique qui tourne à la farce la plus insignifiante qui se puisse imaginer. Et bien franchement, je crois que vous avez besoin de soins cliniques)


Bon, j'imagine que vous aussi avez trouvé ça bien brillant et édifiant...

Le lien auquel le début du message renvoie est l'écrit que le grand humaniste et très mesuré Claude Jasmin, qui est l'un des gourous de l'aile réactionnaire du mouvement nationalisto-indépendantiste, avait dédié à un article que j'avais fait paraître dans La Presse du 28 janvier dernier. Jasmin avait d'abord publié son ramassis de conneries délirantes le 4 février sur son site web ; mais, chroniqueur à l'hebdo L'Express d'Outremont, Jasmin a recyclé ce même texte en le faisant paraître plus d'un mois plus tard dans ce journal, probablement parce que ce soi-disant grand écrivain se trouvait alors en panne d'inspiration, ce qui est d'ailleurs bien typique d'un individu qui est depuis déjà longtemps surtout connu pour ses radotages, avec son vieux discours nationaleux étroit et usé jusqu'à l'os. Je m'étais d'ailleurs bien amusé à répondre à Jasmin dans un billet récent.

Vous trouverez en prime au bas du texte de Jasmin tel que paru sur le site de L'Express d'Outrement les commentaires complètement délirants d'une certaine Mathilde François et d'un certain Nicolas St-Gilles, lequel m'avait déjà consacré un courriel rempli d'inepties hystériques, et cela tandis qu'il ne semblait avoir rien de mieux à faire par un beau dimanche après-midi d'août.

Quant à la hyène enragée qui m'écrivait tard mercredi soir, ce n'est pas la première fois qu'elle me dédie sa rage. Toujours réfugiée derrière un courageux anonymat qu'elle justifie de manière méprisable, elle m'avait en effet envoyé le même genre de prose hystérique en mai dernier, ce dont je parlais d'ailleurs dans un billet que j'avais écrit cette fois-là. Le plus drôle, c'est que notre hyène enragée, à l'instar d'ailleurs de son comparse Nicolas St-Gilles, souffre gravement de projection psychologique : elle ne cesse de me traiter de «fanatique» et d'«hystérique», mais elle n'est jamais capable de montrer en quoi que ce soit comment je mériterais ces qualificatifs, et il est évident que son ton à elle et les termes qu'elle emploie relèvent de ces mêmes attitudes. Aussi, elle ne semble pas capable de beaucoup d'imagination dans ses charges délirantes : tandis que je qualifie d'Imam ce chef spirituel de l'aile réactionnaire et intégriste du mouvement nationalisto-indépendantiste qu'est Pierre Falardeau, voilà qu'en retour notre hyène parle de moi comme d'un «taliban». Je gage d'ailleurs que, dorénavant, cette hystérique en manque d'inspiration va se mettre à parler de moi comme d'une «hyène»...

N'importe qui, à lire les écrits de Falardeau, peut reconnaître que ce personnage mérite fort bien son titre d'Imam. Quant à mes propres écrits, je suis certes très dur pour l'aile fanatique et réactionnaire du mouvement indépendantiste, mais je sais aussi être très modéré et respectueux à l'égard des indépendantistes démocrates et intelligents qui, contrairement à notre hyène et M. St-Gilles, savent discuter et présenter des arguments raisonnables. Et aussi, je sais critiquer mon propre camp et certaines instances du gouvernement fédéral comme la GRC, et cela même durement, comme je l'ai montré à maintes reprises sur ce blogue. L'une des caractéristiques principales du fanatisme est justement l'adhésion inconditionnelle et aveugle à une idée, ce qui est loin d'être mon cas. Donc, on peut certes me trouver très persistant et convaincu, mais de là à pouvoir me taxer de fanatisme ou d'hystérie, il y a une marge énorme que seuls les vrais fanatiques et hystériques, sous l'effet de la projection psychologique qui s'est emparée de ce qui leur sert de cerveaux, n'hésitent pas, eux, à franchir.

Il y a aussi une caractéristique assez hilarante dans les propos de Nicolas St-Gilles et de notre hyène enragée (qui est fort probablement Mathilde François, alias Jolière, alias Marianne Vaucouleurs, alias Hélène Pisier, vu son style d'écriture empreint d'un délire inimitable et son recours obsesssionnel au thème de la masturbation, thème de prédilection de cette personne probablement très frustrée dans son quotidien). En effet, leurs propos sont d'une constante redondance, répétant toujours les mêmes niaiseries réactionnaires. Mais, là non plus, il ne faut pas s'étonner d'un pareil manque d'imagination, bien typique de gens qui en sont réduits au radotage d'inepties qu'ils ne sont même pas capables de renouveler au moins un peu.

Mais bon, faut pas trop s'en faire avec ces pauvres d'esprit, qui inspirent plus de compassion qu'autre chose car ces gens doivent sûrement avoir une vie bien plate et bien triste pour se permettre de perdre leur temps ainsi. Et, de toute façon, ces gens, on peut le parier, ne seraient sûrement pas assez courageux pour sortir de l'anonymat bien confortable derrière lequel ils se cachent pour répéter en pleine face à une personne ce qu'elles osent écrire à son sujet sur le web.

Enfin, vous aurez noté que la hyène enragée justifie la lâcheté de son anonymat en invoquant sa crainte de me voir lui répondre. Mais qu'elle se rassure : contrairement à elle, je ne suis pas assez fou, ni assez fanatique et hystérique, pour envoyer des courriels anonymes et haineux, et encore moins aux petites heures de la nuit ; je n'ai pas non plus de temps à perdre avec des lâches, et aussi, n'étant pas un psychiâtre, je n'ai pas les compétences requises pour traiter les cas de son espèce, qui relèvent surtout du délire paranoïaque et de la projection psychologique la plus flagrante.

Et si elle pense m'intimider ou me faire taire, notre hyène se trompe grossièrement : non seulement elle perd royalement son temps, mais en plus elle me fait me tordre de rire à chaque fois qu'elle se donne la peine de m'envoyer ses conneries. Au fait, notre hyène enragée, puisqu'elle affectionne de se cacher derrière son courageux anonymat et que, de ce fait, ses crocs ne peuvent pas faire peur à grand monde, me fait surtout penser à ces «chiens édentés qui agitent la queue» dont parle notre ami Pierre K. Malouf dans son livre que je présentais ici il y a quelques semaines...
Matière à réflexions...

J'ai acheté cette semaine le livre Le fascisme en action (éditions du Seuil, collection Points H371) de Robert O. Paxton (photo ci-contre), historien et professeur à l'Université Columbia (New York). Paxton est une autorité reconnue internationalement pour son expertise sur l'histoire et l'idéologie du fascisme. J'avais découvert cet historien en visionnant le documentaire Je me souviens, d'Éric Scott, dans lequel Paxton défend la crédibilité de l'historienne québécoise Esther Delisle, contre laquelle, au cours des années 90, s'en était pris une certaine orthodoxie nationaliste.

En conclusion de son ouvrage, Robert O. Paxton définit dans les termes suivants les «passions mobilisatrices» qui sous-tendent l'émergence du fascisme :

"On peut définir le fascisme comme une forme de comportement politique marquée au coin d'une préoccupation obsessionnelle pour le déclin de la société, pour son humiliation et sa victimisation. (...) Beaucoup de ces idées (celles du fascisme) relèvent davantage du domaine des affects et des sentiments viscéraux que de celui de propositions raisonnées :

- la primauté du groupe, envers lequel les devoirs de chacun sont supérieurs à tous les droits, individuels ou universels, et la subordination à lui de l'individu ;


- la croyance que le groupe d'appartenance est une victime, sentiment qui justifie n'importe quelle action, sans limitations légales ou morales, menée contre les ennemis, internes ou externes ;

- la peur du déclin du groupe sous les effets corrosifs du libéralisme individualiste, ou des influences étrangères ;

- le besoin d'une intégration plus étroite, d'une communauté plus pure, par consentement si possible, ou par la violence exclusiviste, si nécessaire ;

- la beauté de la violence et l'efficacité de la volonté, quand elles sont consacrées à la réussite du groupe ;

- le besoin d'une autorité exercée par des chefs naturels, culminant dans un super-chef présent et national, seul capable d'incarner la destinée historique du groupe.

Selon cette définition, le fascisme (et les comportements correspondant à ces sentiments) existe encore aujourd'hui ; il existe dans tous les pays démocratiques. Renoncer aux institutions libres, en particulier à celles des groupes dont on se méfie, est un thème séduisant récurrent parmi les citoyens des démocraties occidentales. Pour avoir suivi l'itinéraire du fascisme, nous savons qu'il n'a pas besoin de lancer quelque «marche» spectaculaire sur une capitale pour prendre racine ; tolérer des décisions apparemment anodines touchant à la manière de traiter les ennemis nationaux y suffit."


Il me semble qu'il y a dans ces éléments de définition de quoi donner à réfléchir sur la réalité qui est, à bien des égards, la nôtre aujourd'hui... Mais bon, je laisse le tout à votre jugement et à votre libre réflexion...

jeudi, mars 15, 2007

Soutenons
nos librairies
indépendantes


Au cours des dernières années, on a assisté au Québec à l'expansion des grosses chaînes de librairies comme Renaud-Bray ou Archambault, qui se sont mises à envahir le territoire avec d'agressives politiques de vente. Mais les gens qui ont vraiment à coeur ce pan crucial de notre vie culturelle qu'est le livre ne peuvent pas y trouver matière à réjouissance, et cela pour plusieurs raisons.

D'abord, l'appétit démesuré des grandes chaînes pour le seul profit fait réduit le livre à l'état d'une simple marchandise comme une autre, comme si nous assistions à une "wal-martisation" du marché du livre. De plus, cet appétit vorace peut s'avérer aveugle, comme l'a démontré il y a quelques années la quasi-faillite de la chaîne Renaud-Bray, qui s'était mise à répandre des succursales un peu partout sur le territoire, en se planquant souvent, notamment en région, juste en face de librairies indépendantes, et cela dans le but de les éliminer, tandis que ce sont ces mêmes librairies indépendantes qui ont, de tout temps au Québec, assuré à bout de bras la diversité et la qualité de l'offre dans le domaine du livre. Cette quasi-faillite avait entraîné des impacts très graves pour les distributeurs et éditeurs de chez nous, qui avaient perdu des sommes colossales dans cette aventure, et dont plusieurs ont mis beaucoup de temps à se remettre, alors que l'on sait combien le milieu du livre est devenu fragile au Québec.

Il est d'ailleurs frappant de constater combien la prolifération des chaînes a surtout contribué à rétrécir et à appauvrir la diversité du choix des consommateurs. Pour s'en rendre compte, il suffit de comparer le nombre des titres offerts dans les stocks permanents de ces chaînes avec ceux offerts par la plupart des libraires indépendants : par exemple, une petite boîte comme celle que je fréquente, la Librairie du Square à Montréal (3453 rue St-Denis), conserve dans ses stocks permanents bien plus de titres que n'importe quelle succursale de Renaud-Bray. Ceci sans parler du service à la clientèle : en commandant un livre chez un libraire indépendant, non seulement le service s'avère souvent beaucoup plus rapide, mais aussi le libraire se démènera la plupart du temps pour vous obtenir un ouvrage devenu difficilement accessible sur le marché. Et ceci sans mentionner le fait, souvent avéré, que le libraire indépendant vous informera sans hésiter de la disponibilité d'un livre en format poche, donc beaucoup moins coûteux que son format d'origine.

Fort heureusement toutefois, les librairies indépendantes s'organisent pour faire face au défi posé par la voracité des grandes chaînes. Par exemple, elles diffusent depuis quelques années un magazine de très haute qualité, Le libraire, que l'on peut se procurer gratuitement en librairie et qui, à chaque numéro, présente en profondeur des dizaines et des dizaines de recensions et critiques de livres dans toutes les catégories: romans, essais, poésie, théâtre, etc. De cette manière, le client peut être mis au courant de ce qui sort, et peut orienter ses choix de manière informée. Cette publication nous change, pour le mieux, des simples brochures publicitaires des grandes chaînes, qui ne nous disent rien sur le contenu réel d'un livre et qui ne visent qu'à nous le vendre à tout prix. De plus, le site web du magazine Le Libraire constitue en soi un véritable portail du livre au Québec, qui permet de prendre connaissance de l'actualité et des enjeux du livre et de la littérature en général, en plus de constituer une tribune de choix pour nos auteurs et éditeurs.

Aussi, les librairies indépendantes ont formé récemment une structure dynamique, nommée simplement Les librairies indépendantes du Québec (LIQ), fruit d'une entente entre l'Association des libraires du Québec et le magazine Le Libraire. Regroupant près de 70 librairies indépendantes, les LIQ, en se rassemblant ainsi sous une même bannière promotionnelle, peuvent mieux présenter ce qui les caractérise par rapport aux grandes chaînes: proximité, diversité et qualité du service. Réparties sur l'ensemble du territoire du Québec, les LIQ constituent ainsi, et de loin, le plus grand diffuseur de livres du Québec. Les lectrices et lecteurs peuvent ainsi disposer d'une garantie de diversité de l'offre littéraire, ce qui, dans le monde d'uniformisation où le best-seller a tendance à occuper tout le terrain au risque d'appauvrir la diversité et la qualité de l'offre, est certes une très bonne nouvelle.

Pour ma part, je me fais toujours un devoir, sinon une fierté, d'appuyer nos libraires indépendants, et cela parce que j'aime le monde de l'édition de chez nous, qui réussit à produire un nombre impressionnant d'ouvrages de qualité malgré le fait qu'éditer un livre est toujours une entreprise risquée. Mais en bout de ligne, par leurs efforts de tous les instants visant à assurer une offre diversifiée, les librairies indépendantes rendent un service énorme à notre culture et à la libre expression des idées, tout en permettant à notre imaginaire collectif de se déployer et de s'exprimer dans toute sa richesse et sa vitalité.

En ce sens, acheter un livre chez un libraire indépendant, c'est poser un geste concret de confiance et d'attachement à l'égard de notre culture, et c'est aussi soutenir nos éditeurs et nos auteurs, dont les livres gagnent à être vus et conservés dans les étalages. Donc, la prochaine fois que vous voudrez vous procurer un livre, je vous invite à réfléchir à tout ceci, et à poser un geste en conséquence, car sans un monde du livre fort, ouvert, diversifié et dynamique, c'est l'expression de ce que nous sommes en tant que société qui s'en trouverait diminuée.

Trouver une librairie indépendante dans votre région ou quartier est bien facile : on n'a qu'à faire un clic sur cette page du site du journal Le Libraire : LIQ

jeudi, mars 08, 2007

La liberté, elle est à vivre...

D'entrée de jeu, je vous confie avoir spontanément voulu donner à ce billet le titre de "Propos d'un homme libre". Mais j'ai hésité tout de suite, pour ensuite me dire : «Ah non, je ne suis pas pour verser dans ça à mon tour...». Par « ça », je veux dire cette foutue tendance qu'on connaît au Québec à accoler le titre de "libre" au premier venu qu'on entend gueuler un peu fort, mais cela, bien sûr, à condition qu'il entre en plein dans le mainstream de la pensée unique à la québécoise, de ce prêt-à-penser qui n'est pas autre chose que cette "vulgate sociale-nationale", comme le dit si bien le philosophe Michel Morin, et qui tapisse mur à mur notre scène publique, intellectuelle et culturelle.

L'usage des mots est donc devenu pernicieux dans notre coin d'Amérique. Si tu dis exactement ce que l'intelligentsia dominante veut t'entendre dire, donc si tu te soumets à la condition absolue de tenir un discours nationalisto-indépendantiste, tout en te donnant des airs (j'insiste: des airs seulement) de go-gauche, tu te feras aussitôt couronner du titre d'homme ou de femme "libre". Mais si tu décides d'assumer réellement ta liberté en osant exprimer le moindre point de vue discordant par rapport à la pensée unique à la québécoise, tu deviens vite un pestiféré, un infréquentable et, dans certains cas, on ira jusqu'à s'interroger sur ta santé mentale.

Un exemple de cette manie répandue du détournement du sens des mots? Prenons François Parenteau, le chroniqueur du magazine Voir. Figurez-vous que ce gars-là a nommé sa chronique "Impertinences"... Eh oui... Pourtant l'impertinence, la vraie, est, comme on le sait, censée supposer une certaine liberté d'esprit, et une capacité à choquer les adeptes de tous les prêts-à-penser. Pour être réellement impertinent, il faut aussi ramer à contre-courant. Mais quand on lit Parenteau, on ne retrouve que tout ce qu'il faut pour plaire à la classe bien-pensante et "bon-chic-bon-genre" du Plateau Mont-Royal et des élites culturelles qu'on voit tout le temps à «Tout le monde en parle», c'est-à-dire une répétition ad nauseam des lieux communs, idées reçues et slogans creux du nationalisme le plus traditionnel et indécrottablement consensuel, avec en prime les litanies et radotages de cette gauche-caviar bien-pensante qui aime bien se parer des jolis atours d'un pseudo altermondialisme.

(Au fait, il échappe à Parenteau que ce sont les nationalistes québécois qui ont eu le plus d'influence dans l'entrée du Canada dans le libre-échange, qui est le moteur principal de cette mondialisation des marchés qu'il dénonce... Mais que voulez-vous, quand on est faux jusqu'au point de se prétendre impertinent quand on ne l'est pas du tout, il est normal de se mettre la tête dans le sable pour préserver la foi dans le dogme qu'on répète avec sa propre tribune).

"Impertinent" donc, le cher Parenteau ? Foutaise! En réalité, tout ce dont ce gars-là semble être intellectuellement capable, c'est du conformisme le plus plat et le plus rampant, en plus d'être parfaitement prévisible avec sa chronique qui ne suscite jamais de surprise tellement son discours est toujours le même et qu'il tourne à vide. Le pseudo impertinent Parenteau ne sera jamais une brebis galeuse pour les tenants de l'idéologie dominante du Québec d'aujourd'hui. Qu'il se rassure s'il croit le contraire : son nom ne sera jamais hué aux congrès du PQ et du Bloc, ni au gros show de la St-Jean-Baptiste, et les élites nationalistes, que ce soit au niveau politique, syndical ou culturel - y compris au moins deux anciens premiers ministres du Québec, Parizeau et Landry - sans oublier ce grand humaniste et démocrate qu'est l'Imam Falardeau ou encore l'inévitable Gérald Larose, le trouvent tous très pertinent, le Parenteau, et ils seront toujours là pour lui donner de réconfortantes tapes dans le dos, en lui disant : «Enwouaye mon François, lâches pas, toé t'es un vrâââ patriote!!!» D'ailleurs, on peut parier qu'il sera se verra décerner un de ces jours le titre flagorneur (ça flagorne dans ces milieux-là comme c'est pas croyable!) de "Patriote de l'année" par l'archaïque Société St-Jean-Baptiste, dont l'histoire est parsemée de tant de belles choses...

Donc, pour avoir affaire à de la vraie impertinence, celle qui provoque, qui étonne et qui choque, celle qui exprime vraiment un minimum de liberté d'esprit, celle qui a l'audace de sortir du mainstream et du confort que procure la pensée unique, mieux vaut aller Voir ailleurs...

De l'impertinence, la vraie donc, celle qui dérange, perturbe, surprend - et pas seulement sur le plan politique ou intellectuel, mais aussi sur le plan humain - on en trouve effectivement ailleurs. J'en ai trouvé pas mal dans le dernier livre de René-Daniel Dubois, Entretiens, paru l'automne dernier aux éditions Leméac. Impertinent, d'abord dans la forme, car j'avoue que, dans un premier temps, je me suis retrouvé dérouté par la facture de cet écrit, qui constitue en fait un entretien entre Daniel et René-Daniel Dubois. On en arrive toutefois assez vite à comprendre que Daniel, c'est la personne privée qui est enfouie sous le René-Daniel qu'on connaît publiquement, le dramaturge et l'artiste. Mais tout de même, voilà un style littéraire qui déconcerte au premier abord, et c'est tant mieux.

Cette forme d'écriture n'est pas seulement originale. Elle permet également de saisir plusieurs des sentiments intimes, doutes, hésitations et interrogations que vit l'auteur non seulement par rapport à lui-même dans son existence quotidienne, mais aussi par rapport aux milieux qui sont les siens, du monde des arts à la société québécoise en général. Ainsi, Dubois prend le lecteur à témoin de son propre recul par rapport à lui-même et à tout ce qui tourbillonne, à tout ce qui stagne aussi, dans le Québec d'aujourd'hui. Et il faut admettre qu'il en faut de l'impertinence, pour se livrer ainsi, quasi à nu même si c'est toujours avec une certaine pudeur, au premier lecteur venu, qui ne peut sortir indemne d'une lecture qui n'est rien moins que confrontante.

Impertinente aussi, cette liberté qu'assume Dubois, ce pestiféré infréquentable pour nos bien-pensants nationalistes parce qu'il sait nommer les choses, dont celles qui ne sont pas belles du tout, par leur vrai nom, et cela tant au sujet de l'histoire telle qu'elle a été, avec ses réalités soigneusement occultées par les gardiens du temple nationaliste, que concernant les conformismes d'aujourd'hui et l'étouffement moral et intellectuel qu'ils entraînent. Pour cette raison, Daniel alias René-Daniel est donc vu par nos élites comme une brebis galeuse, et ceci pas parce que la brebis en question aurait vraiment la gale, mais plutôt parce qu'elle refuse de se laisser tondre la pensée sans se débattre. Il dit, cet impertinent, des choses qui au Québec ne se disent pas impunément lorsqu'on refuse de les penser en silence:

«René-Daniel : Pourquoi est-ce que vous détestez tellement le nationalisme?

Daniel: J'ai quarante mille raisons, toutes excellentes. Mais je ne vais vous en donner qu'une.


Parce que c'est un mensonge. Une drogues à mensonges. À délires.

Son inventeur, l'antidreyfusard Maurice Barrès, à la fin du XIXe siècle, a été très clair à ce sujet : le coeur du nationalisme, c'est un vertige. Un vertige identitaire. Un vertige, c'est-à-dire l'envers de la pensée. Un vertige auquel chacun est obligé de se soumettre, à défaut de quoi il est passible des pires accusations. Or c'est un mensonge qui est sorti tout droit de l'esprit Lidenbrock : le nationalisme est un autre fruit du positivisme. Et, naturellement, étant le fruit du positivisme, il est nécessairement totalitaire dans sa nature, et tôt ou tard belliqueux dans sa forme. Il a été inventé, nommément inventé, pour combattre la démocratie moderne : les droits individuels.

J'ai horreur du nationalisme, de toutes les fibres de mon âme, parce qu'il se résume à une injonction d'abdiquer la conscience et de renoncer à la plus grande quête qui soit : celle de l'individualité, de la prise en main de son propre destin et du dialogue avec nos semblables. C'est tout, je n'ai pas un mot de plus à dire sur le sujet.

R. : Je...

D. : J'ai dit : c'est tout!

R. : ...

D.: ... »

«C'est tout!», nous dit donc Daniel... Cela veut-il dire qu'il ne se prononcera plus jamais sur la question? À lire l'ensemble de ce livre, où le nationalisme n'occupe pourtant que quelques paragraphes sur plus de 600 pages, on peut quand même en douter... (j'avoue avoir pensé jusqu'à encore tout récemment qu'il se tairait pour toujours là-dessus, à force d'avoir été calomnié et vicieusement attaqué en bien des manières ; mais là, je pense m'être trompé...). D'abord, ce «tout» est en fait déjà beaucoup. Mais aussi, l'animal est trop farouchement épris de liberté pour se laisser museler à jamais par quelque inquisiteur que ce soit, sur ce sujet comme sur tous les autres enjeux, ceux-là humains, culturels et sociaux, qui le préoccupent et qui, en fait, en préoccupent tout de même plusieurs, même au Québec où la pensée est engourdie, sinon sclérosée, par le ronron de l'unanimisme nationaliste. Engourdie, certes, mais cependant pas pour toujours, à cause de ce qu'on peut parfois percevoir dans ce qui chez nous se vit, se cherche, se démène, la plupart du temps à contre-courant du dogme et des prêts-à-penser.

En somme, je dirais que ce que Daniel alias René-Daniel nous lance (sans le dire comme tel dans le livre mais en l'exprimant quand même en bien d'autres termes qui lui sont propres), c'est qu'il ne sert à rien de se parer - ou de se laisser flatter - du titre d'homme libre si on ne vit pas réellement comme un homme libre. Et aussi, que la liberté est moins une affaire de paroles que d'agir concret. En un mot, que la liberté, elle est surtout à vivre... En lisant ce livre, on comprend comment l'auteur la vit, sa liberté. Devant quoi, le lecteur ne peut pas faire autrement que de se confronter à lui-même, et de se demander comment, lui-même, il pourra la vivre, sa liberté...

Pour en savoir plus sur René-Daniel Dubois, voir les articles suivants sur le site de Latitude 45 :

Une conscience et son double
René-Daniel Dubois en orbite
Ode à la résistance

mercredi, mars 07, 2007

Exit l'esprit de colonisé... mais pour de vrai!

Il est de bon ton chez nos nationaleux et séparateux invétérés de s'en prendre à ceux qui ne partagent pas leurs étroites visions identitaires et collectivistes en les traitant de «colonisés». Sauf que, dans la réalité des choses, on se rend compte, en étudiant la question de près, que les vrais colonisés ne sont pas nécessairement là où certains aiment le prétendre. Mais en un sens, on peut les comprendre: quand on se réfugie derrière des slogans creux et des expressions vidées de leur vrai sens, il est normal d'en arriver à ne plus se regarder soi-même, dans sa vraie réalité, pour ensuite accuser les autres de porter nos propres tares.

Par exemple, l'ineffable Imam Pierre Falardeau, Guide Spirituel de l'aile intégriste et réactionnaire du mouvement indépendantiste, illustre fort bien ce qu'est un parfait taré qui se croit lui-même libre des tares qu'il voit chez celui qui pense différemment de lui: l'un des thèmes de prédilection de ce marginal autoproclamé - mais en même temps chouchou des médias qu'on voit et entend partout - consiste à gueuler que le Québec serait un «pays conquis qu'il faut libérer de ses chaînes». Mais quand on examine sérieusement la réalité des choses, on se rend bien compte du fait que ce qui est «conquis», c'est surtout l'imaginaire revanchard et réactionnaire de notre risible bouffon «national», et que là où il y a des «chaînes», c'est surtout dans la tête de l'Imam Falardeau lui-même, incapable qu'il est de vivre au présent et de se libérer d'une conception de l'histoire qui est complètement tronquée et paralysée par une vision qui réduit les Québécois à l'état de «pauvres victimes». Ceci sans insister sur le fait que l'Imam Falardeau et son troupeau de fidèles brebis bêlantes se gargarisent du mot de «liberté», mais tout en déniant le droit à autrui de jouir de la liberté de penser autrement qu'eux. Et pas besoin d'être fédéraliste pour subir la très réactionnaire matraque falardienne: les indépendantistes qui se montrent à peine plus modérés et moins fanatisés que lui, y goûtent régulièrement eux aussi.

L'Imam Falardeau, avec quelques autres de ses semblables adeptes de la pensée fossilisée, occupe d'ailleurs une bonne place dans le livre que je vous présente aujourd'hui, Le roman colonial (également disponible en anglais chez Douglas & McIntyre) de l'écrivain Daniel Poliquin, un auteur de romans fort remarqués et célébrés par la critique et par de nombreux prix littéraires, dont entre autres L'écureuil noir il y a une dizaine d'années et, plus récemment, La Kermesse.

Poliquin, on le sent bien en lisant ce livre, n'est vraiment pas du genre à se laisser intimider par les torrents d'insultes haineuses éructées constamment par nos réactionnaires nationaleux et séparateux contre ceux qui commettent non seulement l'hérésie de penser différemment d'eux, mais, surtout, de le dire sans gêne aucune. Bien au contraire de toute inhibition imposée, il s'amuse joyeusement à les montrer pour ce qu'ils sont en réalité: des peureux qui trouvent leur confort dans un tissu de certitudes absolues et fondées sur des mythes et clichés débilitants quant à la réalité d'hier et d'aujourd'hui.

Pour établir sa démonstration toute festive, Daniel Poliquin emploie deux personnages fictifs qu'il a créés, mais dont l'esprit et la mentalité sont bien ancrées dans la réalité québécoise d'aujourd'hui: Monsieur Labine et Monsieur Lesieur, l'un s'étant détourné de la foi béate en une histoire forgée des mythes fondateurs propres à la "gloire nationale" et qui s'intéresse davantage au présent et à l'avenir, et l'autre restant braqué dans une stérile lutte pour la "survivance", qui reste essentiellement fondée sur le manque de confiance en soi et sur la peur de l'Autre.

Par ces deux Messieurs, on passe ainsi en revue tous nos ténors nationalistes d'hier et d'aujourd'hui, «mous» comme «purs et durs», mais qui carburent tous à la même sauce revancharde et peureuse. Poliquin prend la liberté de débusquer leurs discours préfabriqués et leurs certitudes fossilisées, tout en remontant, avec de nombreuses preuves et citations à l'appui, à leurs sources essentiellement réactionnaires, héritées d'un chanoine Lionel Groulx et d'autres historiens d'extrême-droite comme Robert Rumilly (ce grand ami et protecteur d'une crapule nazie comme Bernonville).

Poliquin démontre aussi que l'adaptation du nationalisme d'aujourd'hui en un beau discours soi-disant «progressiste» et «civique» n'est au fond que de la foutaise lancée comme de la poudre aux yeux, car en dernière instance, c'est toujours la dimension ethniciste et frileusement identitaire qui l'emporte. En fait, on peut douter qu'un nationaliste qui se croit «sincère» et «ouvert» puisse sortir indemne d'une telle lecture, tellement les faits y sont présentés de manière lucide et étendue ; mais la plupart d'entre eux ont préféré jusqu'ici courageusement éviter de lire Le roman colonial. On peut les comprendre, puisque la vérité perturbe toujours les idées reçues, et plusieurs semblent préférer le doux confort que procure le fait de se plier au conformisme nationaliste , sans trop réfléchir à ses origines et à sa signification réelle pour aujourd'hui.

Mais tous ceux qui ne sont pas des adeptes du prêt-à-penser et de la pensée unique à la sauce nationaliste trouveront plaisir à lire Le roman colonial ; le seul risque qu'ils prendront en faisant cette lecture sera celui de prendre conscience de bien des réalités passées et présentes, tout en s'amusant ferme de la gouaille iconoclaste d'un Daniel Poliquin, qui nous montre à quel point, en matière de nationalisme, le Roi est bel et bien tout nu, même s'il ne s'en rend pas encore compte.