lundi, août 21, 2006

BOB RAE: La réalité et les faits

Voici la traduction française d'un article de Tim Armstrong, ancien sous-ministre du Travail et sous-ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Technologie de l’Ontario sous les années au pouvoir de Bob Rae et de ses prédécesseurs, paru récemment dans le Hamilton Spectator (version originale en anglais: http://www.bobrae.ca/en/inthemedias.php#20 ) .

Cet article démolit avec brio les mythes assez vicieux et malhonnêtes que les organisations de certains adversaires de Bob Rae dans la course au leadeship du parti libéral tentent piteusement d'exploiter pour discréditer la candidature de Bob, ce qui démontre surtout leur faible capacité à miser sur leurs propres idées, tout en contribuant à miner l'unité du parti dont celui-ci aura pourtant bien besoin au lendemain du congrès de décembre prochain.


Mythes politiques à l'Ontarienne
par Tim Armstrong

Ceux qui s’opposent à la candidature de Bob Rae à la direction des Libéraux exploitent le thème éculé du « gars intelligent qui possède un lourd dossier comme premier ministre de l’Ontario ». Il est difficile de concevoir si ce mythe découle de l’ignorance ou de la malice, ou encore des deux. J’ai été nommé sous-ministre par le Premier ministre Davis et j’ai travaillé sous sa direction et sous celle de ses trois successeurs, les premiers ministres Peterson, Miller et Rae.

Aucun d’entre eux ne pourrait prétendre avoir atteint la perfection. Mais il est incorrect de suggérer que le gouvernement Rae n’a pas été fidèle aux normes et, dans certains secteurs, qu’il n’a pas surpassé les réussites de ses prédécesseurs à l’égard de la population de l’Ontario. Lorsque Bob Rae et entré en fonction, la province était aux prises avec une crise économique – une sévère récession, des obstacles de concurrence sans précédent suite à un accord de libre-échange avec les États-Unis, des taux d’intérêt élevés, un dollar surévalué et un déficit budgétaire de plusieurs milliards de dollars plutôt que le surplus prévu par le gouvernement antérieur. Plus de 300 000 emplois avaient été perdus dans les industries manufacturières, entre 1989 et 1992.

Lorsque le gouvernement de Bob Rae est arrivé au terme de son mandat, l’Ontario était en tête des provinces, en ce qui a trait à la croissance, et elle avait une des économies les plus fortes du G7. Les sondages indiquaient même un niveau de grande confiance des consommateurs et des entreprises. Le secteur privé avait recommencé à investir à coup de milliards de dollars. La productivité de la main-d’oeuvre avait atteint un sommet de tous les temps, tout comme les exportations de produits manufacturés. Les coûts des soins de santé avaient été ramenés sous bien meilleur contrôle, dans le cadre d’une stratégie plus large visant à réduire le déficit.

Mon expérience de travail la plus mémorable, sous la direction du Premier ministre Rae, a concerné la restructuration d’Algoma Steel à Sault Ste. Marie et de Dehavilland Aircraft à Downsview. Dès le départ, le premier ministre avait clairement exprimé qu’il était décidé, dans l’intérêt des employés, des collectivités touchées et de l’économie de la province, à voir survivre les deux entreprises. Les efforts personnels qu’il a consacrés à la réussite de cet objectif ont dépassé tout ce que j’avais connu auparavant, en termes de volonté, d’intelligence et d’exceptionnelles aptitudes de négociateur. Les coûts engagés par l’Ontario, dans le cadre de ces restructurations, de même que ceux qui ont été couverts par le gouvernement fédéral, ont été récupérés plusieurs fois, ne serait-ce qu’en revenus fiscaux. Et on a évité les lugubres solutions de rechange au succès – mauvaises herbes dans le stationnement des entreprises, cadenas sur leurs portes, milliers de travailleurs découragés et sans emploi, et familles recevant de l’aide sociale ou qui tentent d’en obtenir.

Ces réalisations se sont répétées, à la Spruce Falls Pulp & Paper de Kapuskasing et dans d’autres villes de la province, grâce au Programme de relance du secteur manufacturier, un programme conçu et mis en place avec la pleine participation du Premier ministre. Bob Rae a été, depuis le début, la cible de plusieurs personnes dans le monde des affaires. Après avoir pris le pouvoir, il a dû affronter une vive opposition du mouvement syndical, notamment en raison de ses efforts pour réduire ce qu’il considérait comme des revendications salariales outrancières et en raison de son engagement à partager honnêtement les coupures nécessaires dans les dépenses du gouvernement. Selon mon expérience dans le domaine des relations de travail, si vous mécontentez à la fois la main-d’œuvre et la direction, vous avez de fortes chances d’être sur la bonne voie.

On a pu compter d’autres remarquables réussites durant cette époque. Le gouvernement Rae a soutenu avec succès le programme Boulots Ontario, en investissant de manière substantielle dans l’aide à l’enfance et la formation; en offrant des mesures incitatives aux employeurs qui embauchent des prestataires de l’aide sociale ou des gens dont l’assurance-emploi est épuisée; en éliminant les charges sociales pour tout nouvel employé embauché, soit des politiques qui, conjuguées, ont mené à la création de plus de 50 000 emplois. Le système d’aide sociale de l’Ontario a été renouvelé avec, au premier plan, les besoins des enfants vivant dans la pauvreté; le budget pour l’aide à l’enfance a été accru; les noms de centaines de milliers de familles pauvres ont été rayés du rôle des contribuables; et le nouveau Programme de médicaments Trillium a permis à tous ceux qui étaient dans le besoin d’accéder à des médicaments thérapeutiques, à un coût abordable.

Le gouvernement Rae a mis l’accent sur les affaires autochtones, ce qui a mené à la première Déclaration de relation publique entre un gouvernement provincial et une autorité autochtone, à la reconnaissance du besoin d’établir des relations de gouvernement à gouvernement, ainsi qu’à l’établissement d’un nouveau financement pour lutter contre la pauvreté des autochtones, axé sur le logement, les soins aux enfants, et sur des canalisations d’égout et d’eau de pointe.

Finalement, comme premier ministre, Bob Rae a pleinement souscrit au succès de notre système fédéral, notamment un système qui tiendrait compte des buts et des aspirations du Québec, sans compromettre l’unité nationale canadienne. Il a joué un rôle prépondérant, avec les premiers ministres, lequel a mené à un vote affirmatif en Ontario lors du référendum national portant sur l’Accord de Charlottetown. Plusieurs autres réformes ont été mises en marche, dont plusieurs ont été continuées par les gouvernements ultérieurs.

En ce qui concerne la course à la direction du Parti libéral, que le meilleur candidat gagne! Mais en même temps, il faudrait laisser tomber le mythe forgé de toutes pièces selon lequel Bob Rae aurait dirigé un gouvernement inefficace.