vendredi, février 23, 2007

















De l'hypocrisie !


Le Parti québécois ne détient pas le monopole de la vertu


NOTE: Ceci est le texte intégral de mon article publié dans La Presse d'aujourd'hui, dont des parties ont dû être retranchées, faute d'espace:


Collaborateur occasionnel à La Presse, l’auteur travaille notamment à la rédaction d’un ouvrage sur les agissements du camp du OUI et du gouvernement du PQ dans le contexte entourant le référendum de 1995.

Ainsi donc, voilà que le PQ recoure une nouvelle fois à sa tactique, devenue coutumière, consistant à salir son adversaire. Cette fois, c’est par la voix de sa députée Diane Lemieux que le PQ accuse le chef de cabinet du premier ministre Jean Charest, Stéphane Bertrand, d’avoir détourné une certaine somme au profit du camp du NON, lors du référendum de 1995. Or, tout semble indiquer qu’il s’agit ici d’une facture reproduite dans le livre des militants indépendantistes Normand Lester et Robin Philpot, Les secrets d’Option Canada, que les gens du PQ ont, comme Mme Lemieux a elle-même dû l’avouer, passée au «liquid paper» pour en cacher la mention attestant que cette facture fut officiellement payée par le comité du NON.

Outre le fait que cette prétendue «preuve» fut ainsi grossièrement trafiquée, ce qui en soi démontre un manque d’éthique assez sérieux et une tentative d’induire le public en erreur tout en posant des préjudices potentiellement graves aux personnes visées, ce qui choque le plus dans ce nouvel épisode est le fait qu’encore une fois, le PQ s’acharne à vouloir faire croire qu’il détiendrait le monopole absolu de la vertu. Or, on l’a vu en juin dernier lors du dépôt du rapport du juge Moisan, le PQ a violé la loi sur le financement des partis politiques en encaissant au moins $96 400 en contributions illégales de la célèbre firme Groupaction, celle-là même qui fut au cœur du scandale des commandites, à partir duquel les «purs» du PQ, ces «plus blancs que neige» autoproclamés, de même que leur succursale fédérale du Bloc Québécois, se sont acharnés à salir injustement l’ensemble du camp fédéraliste.

Pourtant, lorsqu’on étudie minutieusement l’ensemble des faits concernant les deux camps opposés lors du référendum de 1995, on se rend compte que toute cette obsession du PQ consistant à exploiter à tort et à travers certains faits réels ou allégués concernant la gestion de l’organisme Option Canada, de même que l’accusation d’un «référendum volé» par les fédéralistes, relève de l’hypocrisie la plus évidente. En effet, tout indique que la présente enquête du directeur général des élections et pour laquelle a été mandaté le juge Bernard Grenier ─ enquête provoquée par la seule sortie du livre de Lester et Philpot ─ devrait s’élargir également aux multiples manœuvres et tactiques douteuses du gouvernement du PQ de cette époque et du camp du OUI. Car si le but d’une enquête de cet ordre vise vraiment à assurer la transparence et l’honnêteté du processus démocratique, plusieurs faits et agissements du camp indépendantiste doivent eux aussi être examinés en profondeur.

Parmi les questions qui doivent être posées, il n’y a pas que ce viol de démocratie que constitue l’affaire des bulletins de vote rejetés à des taux massifs par des scrutateurs zélés nommés par le PQ dans certaines circonscriptions à forte prédominance fédéraliste (11,61%, soit 5426 votes dans Chomedey, entre autres). Plusieurs éléments concernant les fonds publics massivement dépensés par le gouvernement Parizeau en propagande et manœuvres partisanes, de même que des dépenses jamais comptabilisées de la campagne du OUI, n’ont, à ce jour, subi d’enquête sérieuse :

· Le PQ affectionne de parler d’Option Canada, accusé notamment dans le livre de Lester et Philpot d’avoir financé la soirée référendaire du NON. Mais il ferait bon de regarder aussi du côté du Conseil de la souveraineté, disposant d’un budget de $ 4 438 376 (financé au moins à 85% à même les fonds publics par le gouvernement Parizeau), qui dépensa $196 443 pour la soirée référendaire du OUI. De plus, en pleine campagne référendaire, ce même organisme a reçu du Secrétariat à l’avenir du Québec une subvention de $ 1 882 462, pour des dépenses prétendument encourues avant la période référendaire, sans que cette prétention n’ait été jusqu’ici confirmée hors de tout doute.

· Qu’en est-il des nombreux organismes indépendantistes actifs durant toute la campagne référendaire, du genre, entre de multiples autres, Artistes pour la souveraineté, Les Jeunes souverainistes, Mouvement National des Québécois, Partenaires pour la souveraineté de la Montérégie, qui ont dépensé des sommes considérables pour vanter les mérites de leur option, mais dont on ignore la provenance et qui ne seront jamais comptabilisées par le OUI? Où sont les états financiers de ces organismes?

· Les centrales syndicales, à même les cotisations des travailleurs dont tous n’étaient forcément pas indépendantistes, ont investi des ressources importantes dans le camp du OUI. Ainsi, la FTQ, dans un document daté du 19 janvier 1995, avait énoncé la stratégie syndicale allant «jusqu’au jour du vote», spécifiant notamment que ses permanents «seront également mis à contribution», devant «libérer leur agenda en conséquence», la campagne du OUI devant «être la priorité d’action de tous les permanents». Qui dit permanent dit aussi personnel payé à plein temps, et non des bénévoles. «Tous les permanents» concernés, selon le terme employé par ce document de la FTQ et dont on ignore le nombre, auraient-ils alors tous pris des congés sans solde pour «libérer leur agenda en conséquence»? Si oui, où en sont les preuves concrètes? Si non, ces éventuelles dépenses n’ont pas été ajoutées à celles du camp du OUI. Et nous ne comptons ici ni la CSN, ni l’ex-CEQ, très engagées elles aussi pour le OUI.

· Les indépendantistes ont dénoncé à tous vents les dépenses de «propagande» du gouvernement fédéral. Or, qu’en est-il des campagnes publicitaires massives à saveur nettement propagandiste payées à même les fonds publics par le gouvernement Parizeau, qui a conscrit jusqu’à Hydro-Québec et d’autres sociétés d’État pour nourrir la ferveur nationaliste durant la campagne référendaire, au coût de $2, 8 millions pour le seul cas d’Hydro-Québec? Dans quelles conditions ces contrats publicitaires ont-ils été octroyés? Et à quelles firmes? Quelles furent les sommes totales de ces campagnes de propagande gouvernementale partisane? Ces questions sont toujours sans réponse.

Ce ne sont là que quelques-uns parmi les nombreux éléments du dossier référendaire sur lesquels la lumière reste à faire, car il faut aussi compter avec d’autres faits, comme ceux entourant le processus douteux d’attribution par le gouvernement du PQ des contrats nécessaires à la réalisation des fameuses Études Le Hir sur la restructuration du Québec, de même que les centaines de millions qu’a coûté, en pure perte, le tout aussi fameux Plan Paillé qui, au cours de la période pré-référendaire, octroyait des prêts de $50 000 garantis à 90% par le gouvernement à quiconque voulait lancer son entreprise, tout cela pour créer un climat de confiance économique artificiel en vue du référendum.

Il est plus que temps que toute la lumière soit enfin faite sur ces faits qui pourraient bien prouver que les agissements du PQ sont fort incompatibles avec son habituelle prétention au monopole de la vertu. Avant de salir systématiquement ses adversaires et de ternir ainsi notre processus démocratique, ce parti devrait se regarder un peu plus dans le miroir, et surtout faire preuve de moins d’hypocrisie. Et tous les Québécois y gagneraient, car on assurerait ainsi à long terme une meilleure probité à nos institutions politiques, de même qu’une confiance renouée de la part des citoyens à l’égard de la classe politique.