jeudi, mars 15, 2007

Soutenons
nos librairies
indépendantes


Au cours des dernières années, on a assisté au Québec à l'expansion des grosses chaînes de librairies comme Renaud-Bray ou Archambault, qui se sont mises à envahir le territoire avec d'agressives politiques de vente. Mais les gens qui ont vraiment à coeur ce pan crucial de notre vie culturelle qu'est le livre ne peuvent pas y trouver matière à réjouissance, et cela pour plusieurs raisons.

D'abord, l'appétit démesuré des grandes chaînes pour le seul profit fait réduit le livre à l'état d'une simple marchandise comme une autre, comme si nous assistions à une "wal-martisation" du marché du livre. De plus, cet appétit vorace peut s'avérer aveugle, comme l'a démontré il y a quelques années la quasi-faillite de la chaîne Renaud-Bray, qui s'était mise à répandre des succursales un peu partout sur le territoire, en se planquant souvent, notamment en région, juste en face de librairies indépendantes, et cela dans le but de les éliminer, tandis que ce sont ces mêmes librairies indépendantes qui ont, de tout temps au Québec, assuré à bout de bras la diversité et la qualité de l'offre dans le domaine du livre. Cette quasi-faillite avait entraîné des impacts très graves pour les distributeurs et éditeurs de chez nous, qui avaient perdu des sommes colossales dans cette aventure, et dont plusieurs ont mis beaucoup de temps à se remettre, alors que l'on sait combien le milieu du livre est devenu fragile au Québec.

Il est d'ailleurs frappant de constater combien la prolifération des chaînes a surtout contribué à rétrécir et à appauvrir la diversité du choix des consommateurs. Pour s'en rendre compte, il suffit de comparer le nombre des titres offerts dans les stocks permanents de ces chaînes avec ceux offerts par la plupart des libraires indépendants : par exemple, une petite boîte comme celle que je fréquente, la Librairie du Square à Montréal (3453 rue St-Denis), conserve dans ses stocks permanents bien plus de titres que n'importe quelle succursale de Renaud-Bray. Ceci sans parler du service à la clientèle : en commandant un livre chez un libraire indépendant, non seulement le service s'avère souvent beaucoup plus rapide, mais aussi le libraire se démènera la plupart du temps pour vous obtenir un ouvrage devenu difficilement accessible sur le marché. Et ceci sans mentionner le fait, souvent avéré, que le libraire indépendant vous informera sans hésiter de la disponibilité d'un livre en format poche, donc beaucoup moins coûteux que son format d'origine.

Fort heureusement toutefois, les librairies indépendantes s'organisent pour faire face au défi posé par la voracité des grandes chaînes. Par exemple, elles diffusent depuis quelques années un magazine de très haute qualité, Le libraire, que l'on peut se procurer gratuitement en librairie et qui, à chaque numéro, présente en profondeur des dizaines et des dizaines de recensions et critiques de livres dans toutes les catégories: romans, essais, poésie, théâtre, etc. De cette manière, le client peut être mis au courant de ce qui sort, et peut orienter ses choix de manière informée. Cette publication nous change, pour le mieux, des simples brochures publicitaires des grandes chaînes, qui ne nous disent rien sur le contenu réel d'un livre et qui ne visent qu'à nous le vendre à tout prix. De plus, le site web du magazine Le Libraire constitue en soi un véritable portail du livre au Québec, qui permet de prendre connaissance de l'actualité et des enjeux du livre et de la littérature en général, en plus de constituer une tribune de choix pour nos auteurs et éditeurs.

Aussi, les librairies indépendantes ont formé récemment une structure dynamique, nommée simplement Les librairies indépendantes du Québec (LIQ), fruit d'une entente entre l'Association des libraires du Québec et le magazine Le Libraire. Regroupant près de 70 librairies indépendantes, les LIQ, en se rassemblant ainsi sous une même bannière promotionnelle, peuvent mieux présenter ce qui les caractérise par rapport aux grandes chaînes: proximité, diversité et qualité du service. Réparties sur l'ensemble du territoire du Québec, les LIQ constituent ainsi, et de loin, le plus grand diffuseur de livres du Québec. Les lectrices et lecteurs peuvent ainsi disposer d'une garantie de diversité de l'offre littéraire, ce qui, dans le monde d'uniformisation où le best-seller a tendance à occuper tout le terrain au risque d'appauvrir la diversité et la qualité de l'offre, est certes une très bonne nouvelle.

Pour ma part, je me fais toujours un devoir, sinon une fierté, d'appuyer nos libraires indépendants, et cela parce que j'aime le monde de l'édition de chez nous, qui réussit à produire un nombre impressionnant d'ouvrages de qualité malgré le fait qu'éditer un livre est toujours une entreprise risquée. Mais en bout de ligne, par leurs efforts de tous les instants visant à assurer une offre diversifiée, les librairies indépendantes rendent un service énorme à notre culture et à la libre expression des idées, tout en permettant à notre imaginaire collectif de se déployer et de s'exprimer dans toute sa richesse et sa vitalité.

En ce sens, acheter un livre chez un libraire indépendant, c'est poser un geste concret de confiance et d'attachement à l'égard de notre culture, et c'est aussi soutenir nos éditeurs et nos auteurs, dont les livres gagnent à être vus et conservés dans les étalages. Donc, la prochaine fois que vous voudrez vous procurer un livre, je vous invite à réfléchir à tout ceci, et à poser un geste en conséquence, car sans un monde du livre fort, ouvert, diversifié et dynamique, c'est l'expression de ce que nous sommes en tant que société qui s'en trouverait diminuée.

Trouver une librairie indépendante dans votre région ou quartier est bien facile : on n'a qu'à faire un clic sur cette page du site du journal Le Libraire : LIQ