samedi, novembre 05, 2005

Commentaire de M. Pierre Lemay

Bonjour M. Daniel Laprès!

La lecture de votre article « Les fédéralistes doivent parler » et les commentaires émis sur votre site, m’ont motivé à émettre mes visions personnelles sur les événements qui forgent ou ont forgé notre pays « le Canada ».

D’abord un aperçu de mon profil : natif de Lévis, 67 ans, marié, « cours classique partiel», diplôme collégial en techniques aéronautiques, 32 ans militaire, 12 ans chez Pratt&Whitney/CAE/Bombardier et maintenant retraité.

La formation reçue au collège de Lévis, l’éducation que j’ai eue à la maison ainsi que le milieu social dans lequel j’ai grandi m’ont façonné et m’ont donné l’identité de Canadien Français…. une identité que je ne renierai jamais à moins qu’un jour mon pays me persécute ou me malmène à un point tel que je doive m’expatrier.

Avant de poursuivre, je dois absolument exprimer ma déception à propos de la quasi disparition de l’appellation « Canadien Français ». Ne pas s’identifier comme Canadien Français est une double faute parce que le peuple Canadien fut le premier peuple conquérant et fondateur de notre beau et grand pays. Que l’origine de ce peuple fondateur était la très belle France où j’y ai séjourné durant huit ans et où j’y ai voyagé dans presque tous les coins. Mes deux ancêtres étaient natifs de la Vallée de la Loire où ils se sont mariés avant de venir s’établir au Cap de la Madeleine.

À la suite du délaissement par la France des ses colonies en Amérique, la porte s’est toute grande ouverte aux autres conquérants, notamment les Anglais qui lorgnaient de ce côté-ci depuis longtemps. En rétrospective je préfère avoir été conquis par les Anglais plutôt que par les Espagnols ou les Portugais. L’expression bien connue « fair play » n’a certainement pas pris ses origines dans ces deux derniers pays!!

Nos conquérants Anglais ne pouvant gérer un pays aussi grand que le Canada ont du s’allier la population conquise pour mener à bien l’exploitation des richesses et le développement de la société. Ils ont donc fait des concessions notamment au niveau de la langue et de la religion. Ces deux nations fondatrices d’origines différentes ont cheminé ensemble, non sans heurts, et nous ont permis d’évoluer pour atteindre un niveau de qualité de vie très enviable à la grandeur de la planète.J’habite au Saguenay maintenant et je vis au milieu d’une majorité dont je ne partage pas les vues politique. Il en va de même avec une de mes sœurs, une belle-sœur et une nièce. J’ai noté un comportement identique chez tous ceux qui prônent la séparation, l’indépendance ou la souveraineté du Québec, cette dernière appellation étant leur préférée parce que les deux autres leur font peur.

Je disais donc que j’ai observé un comportement émotif de leur part qui m’empêche de tenir avec eux une conversation politique intelligente. L’adhésion à leur cause est viscérale; essayez donc de raisonner quelqu’un qui a extrêmement soif, faim ou froid? Tout discours rationnel les met en colère et les poussent à dire des choses abominables ou dénier des faits irréfutables. Ma propre sœur m’a même qualifié de traître parce que je n’embrasse sa cause.

Comment nos concitoyens Québécois en sont-ils venus à rejeter le pays que leurs ancêtres ont fondé? Qui sont-ils? Quelle sorte de gens sont-ils?

J’ai réfléchi durant plusieurs années pour trouver leurs raisons, leurs motivations et qu’est-ce qui les a amenés à adopter une telle position. Ceux qui me rendent le plus perplexe sont ceux qui sont scolarisés et qui oeuvrent dans des postes de prestige.

Je vais vous faire part de mes observations et nommer les modèles que j’ai identifiés (bien entendu ils ne seraient certainement pas d’accord avec mon analyse ainsi que les raisons que j’invoque et qui les ont poussé à adopter une position aussi radicale et souvent non objective et irrationnelle).

Alors voici ce que j’ai observé comme étant les raisons qui motivent ceux qui prônent la séparation :

1) l’influence du milieu (familial, scolaire, de travail, des voisins, et même du clergé dont j’ai été personnellement témoin)

2) le manque de formation ou d’information (souvent des gens qui se nourrissent intellectuellement à partir des autres ou de sources vraiment biaisées vers la doctrine indépendantiste.

3) des gens frustrés suite à l’échec de leur carrière qui trouvent très accommodant de blâmer le fédéral, les Anglais et tout et tout ce qui n’est pas Québécois. Ce sont souvent des gens, qui dans leur quotidien, ont de la difficulté à s’affirmer. Il s’en trouve d’autres, très bien formés/informés mais opportunistes. Ils voient la belle occasion de facilement enrôler des militants candides en jouant sur leur ego et en leur faisant briller le statu de « MAÎTRE CHEZ NOUS »…. et au diable les autres!!n enfin vous avez le type « gau-gau-che genre altermondialiste/anarchiste qui est contre tout ce qui reflète l’ordre et tout ce n’est pas gratuit ».

Alors comment gérer nos communications avec eux afin de leur démontrer notre bonne volonté et que le but que nous visons est le bien de tous? Il va sans dire que l’approche adoptée par nos dirigeants fédéraux s’est avérée un échec total et il est grand temps que nous, « Monsieur/Madame Toutlemonde » prenions, comme vous le faites, l’initiative d’informer intelligemment nos concitoyens. Il faut absolument éviter de tomber dans le piège des batailles de mots et éviter de blesser, même si souvent l’occasion est propice et alléchante de répliquer subtilement et peut-être un peu méchamment! Il faut adopter une attitude conciliante voire même aimante. Il faut faire un effort pour comprendre pourquoi ils en sont arrivés à penser : « indépendance », « séparation » et « rejet de tout ce qui a une connotation Canadienne ».

Alors de qu’elle façon procéder pour passer notre message en faveur du Canada? Certainement pas la méthode Chrétien, Dion & Cie. Il n’y a rien de bon dans la confrontation. Il faut que le mouvement de formation/information vienne de la base (c.à.d. nous qui prenons un peu de notre temps pour la cause canadienne) et diffuser nos points de vue via les journaux, qu’ils soient de masse ou intello. Il faut identifier un ou des porte-parole parmi nous qui s’avéreraient de bons interlocuteurs lors d’entrevues avec les média. Encore faudrait-il trouver le moyen de provoquer de tels entrevues.

Je vais donc poursuivre ma réflexion, essayer d’élaborer des solutions innovatrices et intelligentes et vous en faire part.

«Canadiennement » vôtre.

Pierre Lemay

Cher Monsieur Lemay,

Je vous remercie d'avoir pris le temps de partager vos vues sur notre enjeu national. Il y a plusieurs éléments dans vorte analyse qui rejoignent mes propres perceptions, et d'autres sur lesquels je suis moins d'accord. Mais l'important est d'échanger et de débattre dans le respect des opinions, et en ce sens votre contribution mérite d'être saluée.

Sur le fait que bien des Québécois ont renié leur identité de Canadien français, cela me fait penser au fait, d'ailleurs souligné dans l'excellent article de Claude Castonguay dans La Presse d'aujourd'hui, que ces mêmes Québécois ont carrément répudié toute solidarité avec nos compatriotes francophones des autres provinces. Ces gens, qui partagent notre langue, notre culture, nos racines et notre histoire, ont été complètement évacués du débat, comme si on se foutait d'eux, et comme si on ne se sentait pas concernés par le fait que si on se séparait, on se séparerait d'eux aussi. Pourtant, nous les condamnerions ainsi à la disparition à court terme, devant quoi on peut dire que c'est une bizarre de manière de défendre le français que de se désolidariser d'un million de Franco-Canadiens. Ne devrions-nous pas ré-apprendre à construire ce pays avec eux, pour redéployer une influence francophone dynamique dans tout le Canada?

Évidemment, bien des indépendantistes nous servent souvent la rengaine de l'assimilation des francophones hors-Québec. Pourtant, ils le font sans se demander quelle est notre responsabilité de Québécois à cet égard. Qu'est-ce que nous, Québécois, faisons-nous de concret en termes de solidarité, d'échanges culturels et institutionnels, de coopération sociale et politique, etc., etc. pour renforcer mutuellement l'influence des Québécois francophones et des francophones hors-Québec? Pas grand chose, on doit l'admettre. Tout est devant nous à ce chapitre.


Il est vrai que plusieurs des postulats indépendantistes reposent sur des prémisses fausses. C'est bien beau de décrier le «Canada Anglais» comme si tous les citoyens que cette appellation recoupe se levaient à chaque matin en songeant à «écraser» les Québécois. Pareille paranoïa est surtout synonyme de rejet a priori de l'Autre et de fermeture, et elle n'est pas justifiée par la réalité. Il y a plein de gens ouverts à la réalité du Québec et au fait français dans tout le Canada, et on devrait se solidariser avec eux pour construire un projet commun, dans le respect de l'identité de chacun. En cela, nous pourrions devenir un réel exemple pour notre monde divisé par les haines raciales, ethniques et religieuses.

Quant aux façons de s'investir dans le débat, je comprends votre point de vue. Il faut en effet faire preuve d'ouverture et de compréhension à l'égard de la vaste majorité des souverainistes qui se montrent respectueux de la démocratie et refusent la haine de l'opinion adverse.

Mais toutefois, je suis d'avis qu'il faut dénoncer vigoureusement les tenants de la haine, de l'intolérance et du fanatisme, qui ont bénéficié jusqu'ici d'une complaisance lâche et lamentable de la part des élites médiatiques, intellectuelles et politiques indépendantistes. Ces individus sont les plus grandes menaces à la démocratie québécoise, et leur mépris évident des valeurs démocratiques, perceptible dans leur comportement et leurs paroles écrites ou verbales, doit être combattu sans concession. Et s'ils persistent à dénigrer, insulter, menacer, intimider, nous devrons leur tenir tête, pour leur montrer que nous ne céderons pas à la peur qu'ils essaient d'instiller dans les esprits. Aussi, nous devons démontrer qu'au-delà de l'insulte et de la haine, ces gens-là n'ont rien à dire et ne peuvent apporter aucun argument raisonnable et valable. La lutte contre ces gens-là devrait concerner non pas seulement les fédéralistes, mais aussi, sinon surtout, les souverainistes, qui voient leur option gravement discréditée par ces gens-là.

En tout cas, cher Monsieur Lemay, merci pour votre contribution, et au plaisir de vous lire de nouveau.

Daniel