De l'imposture
Les fédéralistes québécois sont tout aussi aptes que le PQ et le Bloc à se revendiquer des intérêts du Québec
Daniel Laprès
(Article publié dans le cadre de la rubrique «Québec Grand Angle», La Presse, 26 nov. 2005)
Voyons les choses en face : il y a au Québec, et depuis trop longtemps, quelque chose de profondément malsain dans la manière dont se déroule le débat national. Les indépendantistes prétendent détenir l’absolu monopole de l’identité québécoise et des intérêts du Québec, et pour mieux ostraciser les fédéralistes québécois, ils répandent cette fausse perception qui veut laisser croire que l’adhésion à l’idéal canadien serait incompatible avec l’attachement au Québec ainsi qu’à la culture et à la langue françaises.
Ce thème a été particulièrement martelé lors du récent congrès du Bloc québécois, où on a entendu plusieurs orateurs haranguer la foule en vociférant contre tout ce qui est libéral et fédéraliste une litanie d’accusations et d’insultes souvent grotesques, le tout pour rassasier l’appétit de meutes en mal de nationalisme exacerbé. Par exemple, la pathétique prestation du leader parlementaire du Bloc, Michel Gauthier, était à cet égard très révélatrice : M. Gauthier n’a eu qu’à désigner certains noms pour que la foule se mette aussitôt à crier en chœur son mépris, sinon sa haine.
Nous en sommes donc rendus là au Québec : au lieu de débattre de ses idées, il suffit de lancer en pâture les noms de certaines personnes du camp adverse pour que, sans autre argument ou démonstration, l’auditoire se mette à exprimer sa hargne rageuse. C’est avec une telle logique qu’on nourrit l’intolérance, d’autant plus que, dans le cas évoqué ici, les personnes visées étaient désignées en tant qu’«ennemis du Québec», et ce pour la simple raison que leur point de vue diffère de celui des indépendantistes.
Bien entendu, les débats politiques ne peuvent toujours faire dans la dentelle. Une certaine virulence est nécessaire au choc des idées, surtout lorsque des convictions profondes sont en jeu, et Dieu sait combien l’enjeu national peut relever de passions difficilement maîtrisables. Mais la désignation de soi-disant «traîtres à la Nation» et l’excitation des foules par la démagogie haineuse doivent être radicalement rejetées, particulièrement à notre époque où le cynisme mine gravement nos institutions démocratiques, au point où le taux de participation aux scrutins baisse de façon déjà bien inquiétante.
Indépendantistes et fédéralistes sont également concernés, car c’est la classe politique dans son ensemble qui est touchée par ces dérives qui affaiblissent notre vie démocratique. (C’est d’ailleurs pourquoi, bien que fédéraliste convaincu, je n’ai pas hésité à condamner les récentes insultes contre les chefs du PQ lancées par le ministre Pierre Pettigrew, qui n’a ainsi en rien aidé à rehausser le niveau du débat, en plus de donner une tonalité insignifiante au discours fédéraliste, tonalité qui m’horripile de plus en plus car elle jette le discrédit sur une option et un idéal qui méritent bien mieux qu’une performance aussi lamentable).
Gilles Duceppe, dans sa logique habituelle du «deux poids, deux mesures», vient d’accuser les libéraux de «confondre l’intérêt du parti libéral avec l’intérêt du Canada»; pourtant, le Bloc ne cesse de prétendre qu’il serait le seul à défendre les intérêts des Québécois, même si, en réalité, ce parti ne défend rien d’autre que la vision indépendantiste du Québec. Devant quoi ce qu’il faut rappeler, c’est que ni le Bloc québécois, ni le Parti québécois, ni le mouvement indépendantiste, ne sont les seuls dépositaires des intérêts des Québécois. Les indépendantistes ne détiennent aucune exclusivité en ce qui concerne l’identité et les intérêts du Québec; prétendre le contraire relève de l’imposture pure et simple.
Les fédéralistes québécois sont tout aussi aptes que les indépendantistes à se revendiquer des intérêts du Québec et des Québécois; ils ont pleinement le droit, avec au moins la moitié de la population québécoise sinon plus, de partager la conviction que les intérêts du Québec en matière de prospérité sociale, culturelle et économique passent par la participation à ce pays toujours en chantier qu’est le Canada, dans lequel les Québécois peuvent, s’ils le veulent, être des leaders, dans une optique ambitieuse pour le Québec et les Québécois. Et on ne devrait plus tolérer que certains interdisent de penser ainsi au Québec.
Ce thème a été particulièrement martelé lors du récent congrès du Bloc québécois, où on a entendu plusieurs orateurs haranguer la foule en vociférant contre tout ce qui est libéral et fédéraliste une litanie d’accusations et d’insultes souvent grotesques, le tout pour rassasier l’appétit de meutes en mal de nationalisme exacerbé. Par exemple, la pathétique prestation du leader parlementaire du Bloc, Michel Gauthier, était à cet égard très révélatrice : M. Gauthier n’a eu qu’à désigner certains noms pour que la foule se mette aussitôt à crier en chœur son mépris, sinon sa haine.
Nous en sommes donc rendus là au Québec : au lieu de débattre de ses idées, il suffit de lancer en pâture les noms de certaines personnes du camp adverse pour que, sans autre argument ou démonstration, l’auditoire se mette à exprimer sa hargne rageuse. C’est avec une telle logique qu’on nourrit l’intolérance, d’autant plus que, dans le cas évoqué ici, les personnes visées étaient désignées en tant qu’«ennemis du Québec», et ce pour la simple raison que leur point de vue diffère de celui des indépendantistes.
Bien entendu, les débats politiques ne peuvent toujours faire dans la dentelle. Une certaine virulence est nécessaire au choc des idées, surtout lorsque des convictions profondes sont en jeu, et Dieu sait combien l’enjeu national peut relever de passions difficilement maîtrisables. Mais la désignation de soi-disant «traîtres à la Nation» et l’excitation des foules par la démagogie haineuse doivent être radicalement rejetées, particulièrement à notre époque où le cynisme mine gravement nos institutions démocratiques, au point où le taux de participation aux scrutins baisse de façon déjà bien inquiétante.
Indépendantistes et fédéralistes sont également concernés, car c’est la classe politique dans son ensemble qui est touchée par ces dérives qui affaiblissent notre vie démocratique. (C’est d’ailleurs pourquoi, bien que fédéraliste convaincu, je n’ai pas hésité à condamner les récentes insultes contre les chefs du PQ lancées par le ministre Pierre Pettigrew, qui n’a ainsi en rien aidé à rehausser le niveau du débat, en plus de donner une tonalité insignifiante au discours fédéraliste, tonalité qui m’horripile de plus en plus car elle jette le discrédit sur une option et un idéal qui méritent bien mieux qu’une performance aussi lamentable).
Gilles Duceppe, dans sa logique habituelle du «deux poids, deux mesures», vient d’accuser les libéraux de «confondre l’intérêt du parti libéral avec l’intérêt du Canada»; pourtant, le Bloc ne cesse de prétendre qu’il serait le seul à défendre les intérêts des Québécois, même si, en réalité, ce parti ne défend rien d’autre que la vision indépendantiste du Québec. Devant quoi ce qu’il faut rappeler, c’est que ni le Bloc québécois, ni le Parti québécois, ni le mouvement indépendantiste, ne sont les seuls dépositaires des intérêts des Québécois. Les indépendantistes ne détiennent aucune exclusivité en ce qui concerne l’identité et les intérêts du Québec; prétendre le contraire relève de l’imposture pure et simple.
Les fédéralistes québécois sont tout aussi aptes que les indépendantistes à se revendiquer des intérêts du Québec et des Québécois; ils ont pleinement le droit, avec au moins la moitié de la population québécoise sinon plus, de partager la conviction que les intérêts du Québec en matière de prospérité sociale, culturelle et économique passent par la participation à ce pays toujours en chantier qu’est le Canada, dans lequel les Québécois peuvent, s’ils le veulent, être des leaders, dans une optique ambitieuse pour le Québec et les Québécois. Et on ne devrait plus tolérer que certains interdisent de penser ainsi au Québec.