dimanche, janvier 14, 2007

En souvenir d'un combattant pour nos libertés

Dimanche dernier, le 7 janvier, Bernard Amyot et David Simard publiaient dans La Presse un article commémorant le 40e anniversaire de la mort de Jean-Charles Harvey (1891-1967). Je vous invite à le lire, afin que vous puissiez à votre tour avoir un aperçu de l'héritage légué à notre société par ce grand démocrate et défenseur des libertés.

Amyot et Simard mentionnent dans leur texte l'excellente biographie de Harvey écrite par l'historien Yves Lavertu et qui permet de mesurer l'ampleur de l'oeuvre libératrice de Harvey, de même que son combat de tous les instants contre le fascisme, le cléricalisme et le nationalisme sectaire qui prévalaient dans la société québécoise des années 30 et 40.

Tandis que, encore de nos jours, plusieurs nationaleux justifient par le soi-disant "contexte politique" l'appui de leurs ancêtres idéologiques au camp de l'oppression fasciste, et particulièrement leur ferveur pour le régime collabo du Maréchal Pétain dans la France occupée par les nazis, il en réconfortera sûrement plusieurs de savoir que nous avions durant ces années sombres, ici même à Montréal, le seul journal du monde francophone à appuyer résolument le camp de la liberté et de la Résistance en France et partout ailleurs durant la Deuxième guerre mondiale. Ce journal, c'était Le Jour, fondé et dirigé par Jean-Charles Harvey.

Donc, malgré le prétendu "contexte" qui faisait que les Lionel Groulx, Camilien Houde et bien d'autres collabos dignes de ce nom se pâmaient d'admiration pour le fascisme, Jean-Charles Harvey avait choisi sans ambigüité aucune le camp de la liberté et de la démocratie. Il avait, lui, su durant ces mêmes années reconnaître la nature inhumaine et barbare du fascisme. Ce qui prouve que, durant une période où les élites nationalistes québécoises étaient aveuglées par leur parti-pris réactionnaire et passéiste, il y en avait quand même au moins quelques-uns, fussent-ils rares, qui savaient voir clair et qui avaient aussi le courage de reconnaître l'inacceptable et de le dénoncer

(Vous noterez au passage l'ironie d'entendre de nos jours les nationaleux les plus réactionnaires, dont
l'Imam Pierre Falardeau, Guide Spirituel des psychotiques séparateux, est un exemple bien pathétique, lancer des fatwas en traitant de "collabos" ceux et celles qui, au Québec, osent commettre l'hérésie de croire dans l'idée canadienne, tandis que, dans l'histoire réelle, les vrais collabos étaient précisément ceux qui, en plus d'avoir appuyé fanatiquement le régime de ceux qui soumirent la France à Hitler, sont les grands inspirateurs de ce même nationalisme exarcerbé qui les nourrit aujourd'hui. Mais laissons ces sectaires adorer leurs idoles, les collabos Groulx, Houde et consorts, car il est vrai au fond qu'on a les ancêtres idéologiques qu'on peut bien se donner... ou qu'on mérite...)

Outre la biographie ci-dessus mentionnée, je vous invite également à parcourir un petit livre de Harvey, que les éditions Boréal ont eu la bonne idée de publier simultanément avec la biographie écrite par Yves Lavertu, et dont le titre est La Peur. Il s'agit en fait d'une conférence que Harvey a donnée à Montréal le 9 mai 1945, soit le lendemain même de la fin de la guerre en Europe, dans le cadre de l'Institut démocratique canadien. Il s'y prend avec vigueur et clarté à la domination du cléricalisme sur la société québécoise d'alors, et certains ont vu dans ce texte d'un fédéraliste canadien convaincu des éléments précurseurs du Québec moderne.

J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion d'offrir ce petit livre à divers amis et connaissances, et plusieurs m'ont dit, après l'avoir lu, qu'il suffit de remplacer le mot "cléricalisme" par "nationalisme" pour constater que la "peur" reste bel et bien à l'ordre du jour chez ceux qui doutent du bien-fondé de l'idéologie nationalisto-indépendantiste, qui est devenue une véritable pensée unique dans le Québec d'aujourd'hui. En effet, gare à quiconque osera critiquer le dogme: Robert Lepage et Michel Tremblay en savent quelque chose. En tout cas, la lecture de ces deux ouvrages risque d'encourager celles et ceux qui croient que d'autres vues devraient pouvoir s'exprimer librement chez nous, et aussi, qui sait, peut-être que certains parmi eux auront le goût ensuite de parler haut et fort, en toute liberté et sans craindre qui ou quoi que ce soit... à la manière d'un Jean-Charles Harvey, celui qui disait, justement:

"Hélas! l'enthousiasme, les illusions généreuses, le désintéressement, chez les jeunes de l'élite, ont été canalisés de telle sorte qu'ils servent des fantômes et contribuent puissamment à maintenir le peuple dans un état de vieillesse, c'est-à-dire, dans les mythes de la superstition et le culte des préjugés raciques. Depuis quelques années, dans Montréal surtout, des maîtres de l'enseignement, fort nombreux, et de faux historiens à la Groulx ont fait un effort inouï pour inspirer à cette jeunesse un fanatisme déprimant et dangereux, la promener sans cesse dans le cimetière de l'histoire et des idées mortes."

"Vous ne pouvez pas, sans mentir à votre nature, sans déjouer votre propre destin, employer toute votre énergie seulement à conserver ce qui existe, à tenter de ressusciter des morts: votre nature, votre destin, c'est de créer. On ne crée jamais sans douleur et sans risque. La peur n'a jamais rien créé."

(Extraits de La Peur, pp. 48-49 et 54-55).