jeudi, avril 17, 2008

L'Affaire
Esther Delisle:
les points
sur les "i"
enfin en ligne

Il était à peu près temps ! C'est que depuis le temps où, un peu partout sur le web, les nationaleux poursuivent leurs calomnies et leurs campagnes de discrédit contre la chercheure Esther Delisle, coupable à leurs yeux d'avoir mis en relief les faits quant aux origines réactionnaires, racistes et fascisantes de leur mouvement, on ne trouvait pas en ligne de texte de fond ni d'étude ripostant aux détracteurs de Mme Delisle et mettant les points sur les "i" quant à la foncière malhonnêteté intellectuelle desdits détracteurs.

C'est qu'à chaque fois qu'est évoqué le sombre passé mis en lumière par les travaux de Mme Delisle, on se fait servir jusqu'ici essentiellement des "gna gna mauvaise-méthodologie-c'est ça-qu'y-z-ont-dit", "gna gna Gary Caldwell", "gna gna L'Agora", "gna gna, Gérard Bouchard", "gna gna elle-a-pas-mis-ça-dans-le-contexte-y-z'ont-dit-ça-aussi", "gna gna, gna gna..." Jusqu'à présent, nous étions donc essentiellement en présence de ce qu'on pourrait, en quelque sorte, qualifier de litanies répétées béatement par des dévots qui n'examinent jamais ce que disent leurs guides spirituels.

Mais évidemment, au delà des "gna gna", aucune réponse quant au fond et aux réalités des problèmes soulevés par Mme Delisle n'était présentée. Et aussi, nous avions toujours affaire aux mêmes perpétuelles vénérations de la prétendue "objectivité irrrrrrréprochaaaaaable, ma chère" de professeurs et d'intellectuels "ré-pu-tés"... qui ont surtout en commun d'être réputés pour leur nationalisme inconditionnel, comme entre autres Gérard Bouchard (qui a critiqué sans avoir lu, faut le faire, mais ce n'est pas la première fois qu'il fait ça, comme je le montrerai un des quatre), Jean-François Nadeau, Jacques Dufresne, Louis Cornellier le Pieux, etc. Et à leur rangs s'est ajouté Gary Caldwell, réputé, lui, pour son ultra-conservatisme et pour sa farouche
opposition à tout ce qui peut ressembler de près ou de loin au libéralisme politique...

Mais, parmi les pourfendeurs de Delisle l'Infidèle, on trouve aussi, last but not least, Pierre Trépanier, fils spirituel de Lionel Groulx et de l'autre réac du temps, l'historien d'extrême-droite Robert Rumilly ; il est d'ailleurs à noter que, dans Les Cahiers de la Jeune Nation, et cela en ne remontant pas plus loin dans le temps que dans les années 1990, Trépanier déplorait "l'écrasement ignominieux des fascismes" (!!!) Le nationalisme d'aujourd'hui conserve de bien "beaux esprits" parmi ses "penseurs", n'est-ce pas ? Mais évidemment, personne n'aura pour si peu, même dans les "trrrrèèèès objectifs" milieux académiques québécois, cherché noise à Trépanier, cet autre professeur "trrrrèèèès objectif". Il faut dire qu'en ces milieux-là, les procès, on se les réserve pour des Esther Delisle...

Évidemment aussi, le nationalisme québécois d'aujourd'hui aurait "changé", il serait devenu "moderne, progressiste et ouvert"... On n'a pourtant jamais entendu aucun nationaliste "moderne, progressiste et ouvert" critiquer, ou même se formaliser un peu, de la tristesse inconsolable d'un Pierre Trépanier pour l'écrasement des fascismes... Rien de surprenant là-dedans, toutefois : quand on admire un réactionnaire et anti-démocrate comme Pierre Falardeau, ce bouffon sinistre et grotesque, ou encore qu'on défend bec et ongles la mémoire d'un gourou raciste et fasciste comme Lionel Groulx, on peut certes faire preuve de compréhension pour la tristesse de Trépanier. Après tout, ce sont des "Patriotes", des patriotes autoproclamés peut-être, mais des patriotes quand même... mais qui sont surtout de la patrie de tous ceux qui pensent pareil... Et gare aux hérétiques, ceux-là on te les excommunie en un rien de temps de la patrie nationaliste : "Arrière, Satan !!! Sus à l'infidèle !"

J'exagère ? Pas sûr... Qu'est-ce que les nationaleux disent de quiconque les critique eux et le nationalisme (qui n'est pourtant qu'une rhétorique) et cela même si le critique est un Québécois de souche, pure laine et tout ce que vous voudrez dans le même registre ? Immanquablement, ils hurlent qu'il est "contre le Québec", qu'il fait du "Québec bashing", qu'il chie sur ses "congénères", qu'il est un "vendu", un "traître"... Tout ça parce qu'il n'y a selon nos nationaleux que la conception nationaliste du Québec qui soit tolérable et qui ait droit de cité sur le territoire québécois : T'es pas nationaliste, donc t'es pas Québécois, donc... Ouste ! Hors de la Patrie, misérable impur !!!

Au fait, eux qui carburent tellement à l'Histoire, pourquoi les nationalistes, tous "modernes, progressistes et ouverts" bien sûr, craignent-ils tellement toute critique de leur conception de l'histoire, pourquoi s'épouvantent-ils autant devant l'effort d'aborder et d'analyser notre histoire telle qu'elle était ? C'est qu'on peut soupçonner que certains mythes, auxquels ils tiennent tellement parce qu'ils servent à justifier leur rhétorique, risqueraient de prendre le bord... Et quand on a la foi, ça peut devenir périlleux tout ça...

Mais bon, revenons-en à nos moutons (pas ceux de la Saint-Jean-Baptiste, bien sûr)... Jamais un intervenant académique réellement neutre et qui se soit sérieusement penché sur les travaux en question, n'aura pourtant condamné Mme Delisle, qui a même reçu la caution (qui vaut pas mal plus que toute la liste au complet ci-dessus mentionnée) de Robert Paxton, l'une des plus grandes sommités académiques mondiales en matière d'étude du fascisme et de l'extrême-droite. M. Paxton, de l'Université Columbia, est d'ailleurs interviewé dans l'éclairant documentaire Je me souviens, du réalisateur montréalais Éric Scott.

Jusqu'à présent donc, nous ne pouvions trouver en ligne aucun document critiquant les affirmations des poncifs nationaleux et des allumeurs de bûchers. Mais c'est maintenant chose faite : la percutante postface que l'écrivain et ex-dramaturge Pierre K. Malouf avait écrite à l'occasion de la sortie, en 2002, des Essais sur l'imprégnation fasciste au Québec, d'Esther Delisle, et dans laquelle Malouf montre les contradictions et les entourloupettes des détracteurs de Mme Delisle, est désormais accessible à tous et en un seul clic.

Pour les intéressés, c'est ici : http://leffetdelisle.blogspot.com/. Le texte est découpé en six parties pour favoriser la lecture, et il est possible d'en demander par courriel la version en format Word à l'auteur.

Au moins, les gens peuvent désormais avoir facilement accès aux deux côtés de la médaille, et se faire leur propre jugement, ce dont personne ne saurait se plaindre... à moins d'avoir l'esprit volontairement bouché.