Pour un Big Bang fédéraliste
Texte paru sous le titre «Les fédéralistes doivent parler» dans la rubrique Québec Grand Angle de La Presse, samedi le 29 octobre 2005, p. A27
Daniel Laprès
L’auteur est membre fondateur du Réseau canadien pour le libéralisme et la démocratie
Que les fédéralistes québécois se l’admettent enfin : pour rejoindre les Québécois, ils doivent rompre radicalement avec certaines pratiques et l’insignifiance qui affecte le discours de leurs représentants politiques actuels. Il n’y a d’ailleurs qu’à écouter les propos de la plupart des ministres fédéraux du Québec pour s’apercevoir de leur incapacité navrante à rejoindre et inspirer le public québécois. D’évidence, l’initiative ne viendra pas de leur côté, tellement la médiocrité y tient lieu de loi. Un effort vigoureux de lucidité et de créativité politique s’impose donc.
Le scandale des commandites est porteur de grandes leçons, dont la principale est que plus jamais le camp fédéraliste ne doit se laisser prendre en otage par des parasites et voleurs qui ont profité de son absence de créativité politique pour s’en mettre plein les poches aux dépens des contribuables. En fait, par-delà l’aspect criminel de ce révoltant épisode, il faut comprendre que c’est non pas avec de l’argent ou de vulgaires slogans publicitaires cuisinés par des firmes de communication, mais par la vigueur et la pertinence de nos idées, et par notre présence sur le terrain, que nous pourrons rejoindre les Québécois et les convaincre que le Canada est un chantier dans lequel ils ont un rôle important à exercer.
Nous ne devons nous en prendre qu’à nous-mêmes pour notre recul auprès de l’opinion. Il y a d’abord la peur qu’ont encore les fédéralistes de s’exprimer. Il est vrai qu’il peut être intimidant et éprouvant de se faire constamment matraquer à coups d’accusations d’être des «traîtres», «vendus», «collabos», etc. par les brutes fanatiques et intolérantes à la Pierre Falardeau, qui minent la démocratie au Québec avec la lamentable et lâche complaisance de l’intelligentsia et des leaders politiques indépendantistes. Mais il est tout aussi vrai que c’est en ayant le courage de nos convictions et en tenant tête aux démagogues haineux et intolérants, tout en respectant les opinions des souverainistes décents et démocrates, que nous pourrons le mieux incarner les valeurs et idéaux démocratiques et humanistes qui nous animent.
Il y a aussi le fait que nous avons laissé aux indépendantistes le monopole des enjeux de la langue, de la culture et de l’identité francophones. Pourtant, il est aberrant de se restreindre à l’idéologie nationaliste identitaire pour assumer notre langue et notre culture, et pour assurer leur avenir. Nous, Québécois fédéralistes, avons le droit de croire que l’adhésion au Canada est compatible avec le désir d’assumer notre identité linguistique et culturelle. Il nous faut toutefois oser exposer nos idées sur cet enjeu crucial, ce que nous avons plutôt mal fait jusqu’ici. Notre idéal n’est pas le repli identitaire, mais la volonté de construire un projet commun avec des gens à la langue et à la culture différentes de la nôtre. Donc, qu’on en parle, et que l’on démontre notre détermination à développer l’influence francophone dans un pays qui est encore inachevé et où tout reste à faire.
Il nous faut également sortir du conservatisme et du conformisme frileux qui caractérisent trop le camp fédéraliste. Pourtant, l’idée fédéraliste, contraire au repli stérile sur soi, est par définition progressiste et audacieuse, et elle requiert une conception de la politique qui favorise réellement la dignité humaine et l’équité sociale. Mais les partis libéraux provinciaux et fédéraux s’en sont rendus littéralement étrangers. Renouons avec ce libéralisme audacieux et inclusif qui était jadis la marque des esprits libéraux qui ont construit notre société libre et démocratique. Inspirons-nous du regretté sénateur américain Paul Wellstone – un authentique et impénitent libéral progressiste que nous devrions prendre en exemple, selon qui la politique n’a nul autre objectif que de rendre meilleure la vie des gens. Assumons donc cette idée dans nos pratiques et notre discours, et notre option n’en deviendra que plus pertinente et inspirante aux yeux de nos concitoyens. En un mot, il nous appartient de redonner à notre option tout le sens audacieux et rassembleur qui lui fait présentement défaut.
Mais pour cela, il faut rompre avec la médiocrité, et innover. C’est un véritable Big Bang que, sans plus attendre, les fédéralistes doivent déclencher dans leur culture, leurs pratiques et leur discours. Faute de quoi, nous nous condamnons à l’échec, un échec qui engagera notre seule responsabilité.
Texte paru sous le titre «Les fédéralistes doivent parler» dans la rubrique Québec Grand Angle de La Presse, samedi le 29 octobre 2005, p. A27
Daniel Laprès
L’auteur est membre fondateur du Réseau canadien pour le libéralisme et la démocratie
Que les fédéralistes québécois se l’admettent enfin : pour rejoindre les Québécois, ils doivent rompre radicalement avec certaines pratiques et l’insignifiance qui affecte le discours de leurs représentants politiques actuels. Il n’y a d’ailleurs qu’à écouter les propos de la plupart des ministres fédéraux du Québec pour s’apercevoir de leur incapacité navrante à rejoindre et inspirer le public québécois. D’évidence, l’initiative ne viendra pas de leur côté, tellement la médiocrité y tient lieu de loi. Un effort vigoureux de lucidité et de créativité politique s’impose donc.
Le scandale des commandites est porteur de grandes leçons, dont la principale est que plus jamais le camp fédéraliste ne doit se laisser prendre en otage par des parasites et voleurs qui ont profité de son absence de créativité politique pour s’en mettre plein les poches aux dépens des contribuables. En fait, par-delà l’aspect criminel de ce révoltant épisode, il faut comprendre que c’est non pas avec de l’argent ou de vulgaires slogans publicitaires cuisinés par des firmes de communication, mais par la vigueur et la pertinence de nos idées, et par notre présence sur le terrain, que nous pourrons rejoindre les Québécois et les convaincre que le Canada est un chantier dans lequel ils ont un rôle important à exercer.
Nous ne devons nous en prendre qu’à nous-mêmes pour notre recul auprès de l’opinion. Il y a d’abord la peur qu’ont encore les fédéralistes de s’exprimer. Il est vrai qu’il peut être intimidant et éprouvant de se faire constamment matraquer à coups d’accusations d’être des «traîtres», «vendus», «collabos», etc. par les brutes fanatiques et intolérantes à la Pierre Falardeau, qui minent la démocratie au Québec avec la lamentable et lâche complaisance de l’intelligentsia et des leaders politiques indépendantistes. Mais il est tout aussi vrai que c’est en ayant le courage de nos convictions et en tenant tête aux démagogues haineux et intolérants, tout en respectant les opinions des souverainistes décents et démocrates, que nous pourrons le mieux incarner les valeurs et idéaux démocratiques et humanistes qui nous animent.
Il y a aussi le fait que nous avons laissé aux indépendantistes le monopole des enjeux de la langue, de la culture et de l’identité francophones. Pourtant, il est aberrant de se restreindre à l’idéologie nationaliste identitaire pour assumer notre langue et notre culture, et pour assurer leur avenir. Nous, Québécois fédéralistes, avons le droit de croire que l’adhésion au Canada est compatible avec le désir d’assumer notre identité linguistique et culturelle. Il nous faut toutefois oser exposer nos idées sur cet enjeu crucial, ce que nous avons plutôt mal fait jusqu’ici. Notre idéal n’est pas le repli identitaire, mais la volonté de construire un projet commun avec des gens à la langue et à la culture différentes de la nôtre. Donc, qu’on en parle, et que l’on démontre notre détermination à développer l’influence francophone dans un pays qui est encore inachevé et où tout reste à faire.
Il nous faut également sortir du conservatisme et du conformisme frileux qui caractérisent trop le camp fédéraliste. Pourtant, l’idée fédéraliste, contraire au repli stérile sur soi, est par définition progressiste et audacieuse, et elle requiert une conception de la politique qui favorise réellement la dignité humaine et l’équité sociale. Mais les partis libéraux provinciaux et fédéraux s’en sont rendus littéralement étrangers. Renouons avec ce libéralisme audacieux et inclusif qui était jadis la marque des esprits libéraux qui ont construit notre société libre et démocratique. Inspirons-nous du regretté sénateur américain Paul Wellstone – un authentique et impénitent libéral progressiste que nous devrions prendre en exemple, selon qui la politique n’a nul autre objectif que de rendre meilleure la vie des gens. Assumons donc cette idée dans nos pratiques et notre discours, et notre option n’en deviendra que plus pertinente et inspirante aux yeux de nos concitoyens. En un mot, il nous appartient de redonner à notre option tout le sens audacieux et rassembleur qui lui fait présentement défaut.
Mais pour cela, il faut rompre avec la médiocrité, et innover. C’est un véritable Big Bang que, sans plus attendre, les fédéralistes doivent déclencher dans leur culture, leurs pratiques et leur discours. Faute de quoi, nous nous condamnons à l’échec, un échec qui engagera notre seule responsabilité.