Voyons certaines choses en pleine face...
Je m'adresse aujourd'hui aux fédéralistes québécois, en particulier à ceux qui se disent libéraux, et surtout aux plus jeunes parmi eux. Si je m'ìnquiète de certaines tendances intolérantes du côté indépendantiste, je n'en suis pas moins préoccupé par des carences sérieuses du côté fédéraliste. Et il faut avoir le courage de les exprimer, et d'être à nous-mêmes les juges les plus impitoyables de notre propre camp, faute de quoi nous risquons de nous enliser dans une certaine médiocrité, dont notre camp politique est loin d'être exempt.
Je sais, critiquer son propre camp, selon certains, c'est jouer le jeu de l'adversaire. Je me refuse à adhérer à cette logique simpliste et déresponsabilisante, qui d'ailleurs nous empêche depuis trop longtemps d'évoluer et de rejoindre les esprits au Québec.
D'abord, j'invite les jeunes libéraux fédéraux du Québec à entreprendre un examen de conscience, suite à deux éléments ayant ressorti de leur conférence tenue en septembre, à Trois-Rivières.
Nous, libéraux avec ou sans carte, sommes censés incarner les valeurs libérales, fondées sur la tolérance, la démocratie et la promotion des droits et libertés et de la justice sociale. En fait, nous devrions même ambitionner d'en être les champions. Mais force est d'admettre que nous sommes encore loin du compte.
J'ai lu tout ce que j'ai pu depuis la conférence de Trois-Rivières sur la motion adoptée par les jeunes libéraux, qui voudrait modifier les règles concernant le financement des partis politiques fédéraux afin que celles-ci bénéficient aux seuls partis présentant des candidats à l'échelle nationale. Ainsi, on peut considérer que, en gros, seuls les partis libéral, conservateur et NPD pourraient se qualifier. Le Bloc québécois serait donc écarté. En fait, on peut soupçonner que cette motion visait surtout ce parti.
Je regrette d'avoir à le dire, mais il le faut: cette motion est foncièrement anti-démocratique, et je dirais même, anti-libérale. En démocratie, les règles du jeu doivent être les même pour tous. Et en tant que libéral d'esprit (et sans carte), je peux dire que ce qui doit caractériser tous ceux qui se réclament d'un esprit libéral, c'est notamment un esprit de «fair-play». Cette motion en est fort éloignée.
J'ai tenté de discuter avec certains partisans de cette motion, pour leur faire part de mes objections. Se défendant, de manière peu convaincante, de vouloir viser le Bloc, ils m'ont répondu que la raison d'être de cette motion était que puisqu'il en coûte plus cher aux partis devant faire campagne d'un océan à l'autre qu'à ceux qui agissent sur une base strictement régionale, il faudrait assurer un «ré-équilibrage» financier, au nom d'une soi-disant équité.
Le problème, c'est que cet argument ne tient pas du tout la route. Les partis nationaux ont certes tout le territoire canadien à couvrir, mais il faut se rappeler aussi que les contributions financières qu'ils reçoivent proviennent, elles aussi, de toutes les régions du pays. Donc, en toute logique, ces contributions devraient couvrir les coûts relatifs au maintien d'un parti dont l'audience s'étend partout au pays. Aussi, puisque les partis reçoivent désormais un financement public qui se situe au prorata du nombre de votes reçus, ce même financement public couvre alors les opérations des partis partout au pays.
Il est vrai que le parti libéral du Canada reçoit moins de votes dans certaines régions du pays. Mais c'est à lui, et à lui seul, qu'il appartient de convaincre un plus grand nombre d'électeurs de l'appuyer. Il est injustifiable de changer les règles du jeu, telles qu'elles ont été définies pour tous les partis, parce qu'un parti qui se veut national ne se montre pas assez apte à rejoindre une partie suffisante de l'électorat dans certaines régions.
Donc, j'ai le regret d'avoir à le dire, mais cette motion est non seulement politiquement mauvaise, car elle permet aux adversaires de soutenir que les jeunes libéraux sont antidémocratiques, mais elle est aussi moralement inacceptable, car elle représente un déni flagrant des valeurs et idéaux dont les libéraux sont censés être les champions. En fait, elle a même un parfum réactionnaire qui me dérange énormément.
Je le répète: en démocratie, les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous. Et si au Québec le parti libéral a des problèmes, il doit s'en prendre à lui-même, et ne pas se limiter à blâmer la propagande des adversaires. Par exemple, soyons honnêtes: les éléments inspirants parmi l'équipe qui dirige l'aile québécoise du parti sont loin d'être nombreux. On dirait que le parti n'a pas encore réussi à sortir d'une médiocrité intellectuelle et politique qui le caractérise depuis trop longtemps. Demandez à l'un d'eux ce que ça veut dire être un «libéral», et vous serez alors exposé à une série de clichés vagues et stériles, comme si on avait oublié tout de la tradition libérale dont les libéraux sont censés être les dépositaires.
Je suis un de ceux qui pensent que si les libéraux allaient vraiment à la rencontre de la société québécoise, s'ils assumaient les valeurs libérales empreintes de justice sociale, de dignité humaine, de liberté, d'attachement aussi pour la langue française et la culture de chez nous, de défense des droits, de promotion de la tolérance, et s'ils se montraient moins béats et un peu plus critiques devant les insuffisances bien réelles de leur propre gouvernement et de leur propre parti, leur crédibilité s'élargirait considérablement, et ils auraient des chances de gagner les esprits et les coeurs au Québec. Mais nous sommes encore bien loin du compte.
Alors, au lieu de tenter de mettre en cause les règles démocratiques qui doivent être les mêmes pour tous, le Bloc québécois y compris, les libéraux devraient entreprendre un réel examen de conscience, et avoir le courage de se remettre en question, de se ré-inventer pour se mettre au niveau des défis de notre époque. Et aussi, sortir de la médiocrité, et aussi de l'influence des «spin doctors» qui font la loi au sommet du parti.
L'autre élément de la conférence de Trois-Rivières qui me semble fortement critiquable, et même douteux, est ce que le ministre Pierre Pettigrew y a affirmé concernant l'«intolérance» des souverainistes. Il est vrai qu'une certaine forme d'intolérance existe dans une certaine frange du mouvement souverainiste, et qu'elle bénéficie même de la complaisance de plusieurs parmi ses leaders. C'est là une chose à dénoncer et à rappeler constamment.
Mais quand il parlait de l'intolérance dans son discours, le ministre Pettigrew avait tout faux. Il a affirmé que les souverainistes seraient intolérants à l'égard des communautés culturelles, de tous ces Québécois de plus en plus nombreux qui sont nés ailleurs.
Évidemment, comme dans tout mouvement politique, une frange minime des milieux souverainistes peut se révéler xénophobe. Mais à cela, il faut quand même ajouter, si on veut être honnête, que tous les mouvements politiques, y compris le nôtre, ont leur poignée de crétins béotiens. La bêtise, en plus d'être mère de l'intolérance et du fanatisme, est en effet un phénomène universel et éternel, et aucun groupe n'est immunisé contre elle. On n'a qu'à penser du côté pro-canadien à des Don Cherry, Diane Francis et autres dinosaures réactionnaires du même acabit qui entachent considérablement les idéaux canadiens, et dont nous devrions combattre farouchement l'intolérance et le mépris dont ces individus sont les protagonistes.
D'affirmer donc que le mouvement souverainiste serait xénophobe et contre les communautés culturelles est d'une grande fausseté. Premièrement, ce serait politiquement stupide pour les souverainistes de s'en réclamer, et la stupidité est loin de caractériser leur plus grand nombre, mis à part bien entendu les groupuscules de fanatiques intolérants et haineux. Deuxièmement, bien peu parmi les leaders des communautés culturelles pourraient confirmer une telle accusation. Une preuve récente: même la SSJB s'est associée à Dan Philips, président de la Ligue des Noirs du Québec, pour dénoncer les propos délirants et racistes du Doc Mailloux, il y a quelques semaines. Et je ne vais certes pas me mettre à blâmer la SSJB pour ça.
Il y a dans le mouvement souverainiste une majorité importante de gens d'esprit ouvert et accueillants à l'égard des minorités culturelles. Ne pas le reconnaître, c'est faire preuve d'aveuglement. Et le nier, c'est sombrer dans la démagogie.
Bien entendu, il y a une intolérance, bien réelle celle-là, qui me dérange et m'inquiète chez certains indépendantistes. Et le silence complaisant, sinon l'appui tacite à leur égard de la part de certains leaders influents parmi l'intelligentsia souverainiste a de quoi choquer. Mais cette intolérance se traduit essentiellement par une haine bien tangible et répandue qui est proférée de plus plus en plus contre les fédéralistes québécois. Il s'agit d'une forme d'intolérance qui mine l'esprit d'une société démocratique dans laquelle les québécois de tous les côtés du débat veulent pourtant vivre. Dommage que M. Pettigrew n'en ait pas parlé, et dommage aussi qu'il se soit contenté de faire de la surenchère démagogique en se trompant d'intolérance.
Tout cela pour dire que les fédéralistes en général, et les libéraux en particulier, ont intérêt à approfondir leur connaissance de la société québécoise, et à mieux comprendre aussi les valeurs humaines et sociales qui existent au Québec. S'ils veulent retrouver leur place dans le débat public, ils sont tenus de se renouveler en profondeur, et d'éviter d'adopter des mesures qui briment les droits politiques de l'adversaire, ou de se tromper de cible lorsqu'ils dénoncent des dérives chez l'adversaire. Se tromper de cible, c'est se tirer dans le pied.
Mais il leur faut aussi renouer avec les idéaux et les valeurs libérales et canadiennes, et les enrichir en les assumant dans leur action politique d'une bien meilleure façon que ce qu'ils ont démontré jusqu'ici. Bien entendu, nous n'avons pas la partie facile dans l'espace public québécois. Le scandale des commandites, par exemple, nous a nuit considérablement, mais à mon avis c'était le prix à payer pour certains comportements dans notre camp qui nous ont rendu vulnérables par rapport à des éléments parasitaires et corrompus, qui ont trahi notre pays en faisant passer leur avidité avant le bien public. Et à ce sujet, nous ne pouvons nous en prendre qu'à nous-mêmes.
Mais en même temps, le niveau de difficulté qui est le nôtre devrait nous fouetter, nous stimuler à faire beaucoup mieux que ce que nous avons fait jusqu'ici. Nous devrions agir comme si nous n'avons plus le droit de rester médiocres. Nous devons donner le meilleur de nous-mêmes dans la promotion des idéaux et valeurs qui sont les nôtres, en adoptant un comportement politique qui soit conforme à ces mêmes valeurs et idéaux.
Évidemment, les fanatiques et intolérants qui nous attaquent de toute leur haine à cause de nos opinions politiques ne nous en aimeront pas plus, et il est même possible qu'ils ne nous en haïssent que davantage. Mais ces gens-là sont tellement ridicules et grotesques qu'ils se tirent dans le pied à coups de bazooka, en plus de nuire considérablement à leur option indépendantiste. Leur existence n'est en fait pas notre problème, mais celui des leaders souverainistes qui devront bien avoir le courage, un jour, de les dénoncer et de s'en détacher radicalement, à la manière courageuse et digne dont fit preuve un René Lévesque, d'ailleurs, qui les vomissait de tout son être (voir la biographie de René Lévesque par Pierre Godin).
Mais depuis la mort de M. Lévesque, on ne voit que des Parizeau, Landry, Duceppe et bien d'autres aller régulièrement faire leurs courbettes serviles et flagorneuses devant cette caricature grotesque de patriote auto-proclamé qu'est Pierre Falardeau, cette incarnation du fanatisme et de l'intolérance haineuse méprisées par René Lévesque. C'est dire à quel point les principaux membres de l'élite indépendantiste sont descendus bien bas, ayant apparemment absolument besoin de s'accrocher aux éléments les plus réactionnaires, caricaturaux et fanatisés du mouvement indépendantiste pour faire avancer leur cause.
Donc, ne nous laissons pas trop omnubiler par ces éructeurs d'insultes haineuses et de calomnies, ces gesticulateurs grotesques de 2X4 et de «chain saw» à la Falardeau, et laissons-les baver leur haine, dans laquelle ils finiront bien par se noyer, parce qu'ils sont trop aveuglés par leur fanatisme pour être le moindrement conscients de leur ridicule. Pensons donc d'abord et surtout aux citoyennes et citoyens du Québec, qui veulent des gouvernements justes et honnêtes, et qui sont souvent laissés à eux-mêmes lorsqu'ils ont recours à l'État, dont la mission fondamentale consiste pourtant à les servir. Nous avons des devoirs à leur égard, autrement nous ne devrions pas prétendre faire de la politique.
Dans son livre «The Conscience of a Liberal», le regretté sénateur américain Paul Wellstone (du Minnesota, qui fut le seul véritable progressiste à siéger au Sénat américain de 1990 à sa mort accidentelle en 2002), affirmait que la politique n'a qu'un seul et unique but: rendre meilleure la vie des gens.
Cette définition a le mérite d'être claire et nette. Mais on dirait que nous, libéraux d'ici, avons oublié cette vérité, qui relève pourtant d'une authentique conception libérale de l'action politique. On a donc bien du pain sur la planche devant nous pour l'assumer et en faire le leitmotiv et le signe de toute notre action politique. Mais c'est à ce prix-là que nos valeurs libérales et notre conception du fédéralisme, de la place du Québec dans le Canada, auront bien plus de chances de faire sens auprès de nos concitoyennes et concitoyens.
Mais si on se ressaisit, on peut en devenir capables, et ainsi ce que nous portons comme idéaux et valeurs, par notre action de tous les jours, et aussi par un discours intelligent et capable de prendre en compte les aspirations réelles des gens, les valeurs et idéaux que nous portons pourraient enfin trouver des chances de rejoindre un nombre élargi de nos concitoyennes et concitoyens. Mais cela dépendra de nous, et seulement de nous.
Je m'adresse aujourd'hui aux fédéralistes québécois, en particulier à ceux qui se disent libéraux, et surtout aux plus jeunes parmi eux. Si je m'ìnquiète de certaines tendances intolérantes du côté indépendantiste, je n'en suis pas moins préoccupé par des carences sérieuses du côté fédéraliste. Et il faut avoir le courage de les exprimer, et d'être à nous-mêmes les juges les plus impitoyables de notre propre camp, faute de quoi nous risquons de nous enliser dans une certaine médiocrité, dont notre camp politique est loin d'être exempt.
Je sais, critiquer son propre camp, selon certains, c'est jouer le jeu de l'adversaire. Je me refuse à adhérer à cette logique simpliste et déresponsabilisante, qui d'ailleurs nous empêche depuis trop longtemps d'évoluer et de rejoindre les esprits au Québec.
D'abord, j'invite les jeunes libéraux fédéraux du Québec à entreprendre un examen de conscience, suite à deux éléments ayant ressorti de leur conférence tenue en septembre, à Trois-Rivières.
Nous, libéraux avec ou sans carte, sommes censés incarner les valeurs libérales, fondées sur la tolérance, la démocratie et la promotion des droits et libertés et de la justice sociale. En fait, nous devrions même ambitionner d'en être les champions. Mais force est d'admettre que nous sommes encore loin du compte.
J'ai lu tout ce que j'ai pu depuis la conférence de Trois-Rivières sur la motion adoptée par les jeunes libéraux, qui voudrait modifier les règles concernant le financement des partis politiques fédéraux afin que celles-ci bénéficient aux seuls partis présentant des candidats à l'échelle nationale. Ainsi, on peut considérer que, en gros, seuls les partis libéral, conservateur et NPD pourraient se qualifier. Le Bloc québécois serait donc écarté. En fait, on peut soupçonner que cette motion visait surtout ce parti.
Je regrette d'avoir à le dire, mais il le faut: cette motion est foncièrement anti-démocratique, et je dirais même, anti-libérale. En démocratie, les règles du jeu doivent être les même pour tous. Et en tant que libéral d'esprit (et sans carte), je peux dire que ce qui doit caractériser tous ceux qui se réclament d'un esprit libéral, c'est notamment un esprit de «fair-play». Cette motion en est fort éloignée.
J'ai tenté de discuter avec certains partisans de cette motion, pour leur faire part de mes objections. Se défendant, de manière peu convaincante, de vouloir viser le Bloc, ils m'ont répondu que la raison d'être de cette motion était que puisqu'il en coûte plus cher aux partis devant faire campagne d'un océan à l'autre qu'à ceux qui agissent sur une base strictement régionale, il faudrait assurer un «ré-équilibrage» financier, au nom d'une soi-disant équité.
Le problème, c'est que cet argument ne tient pas du tout la route. Les partis nationaux ont certes tout le territoire canadien à couvrir, mais il faut se rappeler aussi que les contributions financières qu'ils reçoivent proviennent, elles aussi, de toutes les régions du pays. Donc, en toute logique, ces contributions devraient couvrir les coûts relatifs au maintien d'un parti dont l'audience s'étend partout au pays. Aussi, puisque les partis reçoivent désormais un financement public qui se situe au prorata du nombre de votes reçus, ce même financement public couvre alors les opérations des partis partout au pays.
Il est vrai que le parti libéral du Canada reçoit moins de votes dans certaines régions du pays. Mais c'est à lui, et à lui seul, qu'il appartient de convaincre un plus grand nombre d'électeurs de l'appuyer. Il est injustifiable de changer les règles du jeu, telles qu'elles ont été définies pour tous les partis, parce qu'un parti qui se veut national ne se montre pas assez apte à rejoindre une partie suffisante de l'électorat dans certaines régions.
Donc, j'ai le regret d'avoir à le dire, mais cette motion est non seulement politiquement mauvaise, car elle permet aux adversaires de soutenir que les jeunes libéraux sont antidémocratiques, mais elle est aussi moralement inacceptable, car elle représente un déni flagrant des valeurs et idéaux dont les libéraux sont censés être les champions. En fait, elle a même un parfum réactionnaire qui me dérange énormément.
Je le répète: en démocratie, les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous. Et si au Québec le parti libéral a des problèmes, il doit s'en prendre à lui-même, et ne pas se limiter à blâmer la propagande des adversaires. Par exemple, soyons honnêtes: les éléments inspirants parmi l'équipe qui dirige l'aile québécoise du parti sont loin d'être nombreux. On dirait que le parti n'a pas encore réussi à sortir d'une médiocrité intellectuelle et politique qui le caractérise depuis trop longtemps. Demandez à l'un d'eux ce que ça veut dire être un «libéral», et vous serez alors exposé à une série de clichés vagues et stériles, comme si on avait oublié tout de la tradition libérale dont les libéraux sont censés être les dépositaires.
Je suis un de ceux qui pensent que si les libéraux allaient vraiment à la rencontre de la société québécoise, s'ils assumaient les valeurs libérales empreintes de justice sociale, de dignité humaine, de liberté, d'attachement aussi pour la langue française et la culture de chez nous, de défense des droits, de promotion de la tolérance, et s'ils se montraient moins béats et un peu plus critiques devant les insuffisances bien réelles de leur propre gouvernement et de leur propre parti, leur crédibilité s'élargirait considérablement, et ils auraient des chances de gagner les esprits et les coeurs au Québec. Mais nous sommes encore bien loin du compte.
Alors, au lieu de tenter de mettre en cause les règles démocratiques qui doivent être les mêmes pour tous, le Bloc québécois y compris, les libéraux devraient entreprendre un réel examen de conscience, et avoir le courage de se remettre en question, de se ré-inventer pour se mettre au niveau des défis de notre époque. Et aussi, sortir de la médiocrité, et aussi de l'influence des «spin doctors» qui font la loi au sommet du parti.
L'autre élément de la conférence de Trois-Rivières qui me semble fortement critiquable, et même douteux, est ce que le ministre Pierre Pettigrew y a affirmé concernant l'«intolérance» des souverainistes. Il est vrai qu'une certaine forme d'intolérance existe dans une certaine frange du mouvement souverainiste, et qu'elle bénéficie même de la complaisance de plusieurs parmi ses leaders. C'est là une chose à dénoncer et à rappeler constamment.
Mais quand il parlait de l'intolérance dans son discours, le ministre Pettigrew avait tout faux. Il a affirmé que les souverainistes seraient intolérants à l'égard des communautés culturelles, de tous ces Québécois de plus en plus nombreux qui sont nés ailleurs.
Évidemment, comme dans tout mouvement politique, une frange minime des milieux souverainistes peut se révéler xénophobe. Mais à cela, il faut quand même ajouter, si on veut être honnête, que tous les mouvements politiques, y compris le nôtre, ont leur poignée de crétins béotiens. La bêtise, en plus d'être mère de l'intolérance et du fanatisme, est en effet un phénomène universel et éternel, et aucun groupe n'est immunisé contre elle. On n'a qu'à penser du côté pro-canadien à des Don Cherry, Diane Francis et autres dinosaures réactionnaires du même acabit qui entachent considérablement les idéaux canadiens, et dont nous devrions combattre farouchement l'intolérance et le mépris dont ces individus sont les protagonistes.
D'affirmer donc que le mouvement souverainiste serait xénophobe et contre les communautés culturelles est d'une grande fausseté. Premièrement, ce serait politiquement stupide pour les souverainistes de s'en réclamer, et la stupidité est loin de caractériser leur plus grand nombre, mis à part bien entendu les groupuscules de fanatiques intolérants et haineux. Deuxièmement, bien peu parmi les leaders des communautés culturelles pourraient confirmer une telle accusation. Une preuve récente: même la SSJB s'est associée à Dan Philips, président de la Ligue des Noirs du Québec, pour dénoncer les propos délirants et racistes du Doc Mailloux, il y a quelques semaines. Et je ne vais certes pas me mettre à blâmer la SSJB pour ça.
Il y a dans le mouvement souverainiste une majorité importante de gens d'esprit ouvert et accueillants à l'égard des minorités culturelles. Ne pas le reconnaître, c'est faire preuve d'aveuglement. Et le nier, c'est sombrer dans la démagogie.
Bien entendu, il y a une intolérance, bien réelle celle-là, qui me dérange et m'inquiète chez certains indépendantistes. Et le silence complaisant, sinon l'appui tacite à leur égard de la part de certains leaders influents parmi l'intelligentsia souverainiste a de quoi choquer. Mais cette intolérance se traduit essentiellement par une haine bien tangible et répandue qui est proférée de plus plus en plus contre les fédéralistes québécois. Il s'agit d'une forme d'intolérance qui mine l'esprit d'une société démocratique dans laquelle les québécois de tous les côtés du débat veulent pourtant vivre. Dommage que M. Pettigrew n'en ait pas parlé, et dommage aussi qu'il se soit contenté de faire de la surenchère démagogique en se trompant d'intolérance.
Tout cela pour dire que les fédéralistes en général, et les libéraux en particulier, ont intérêt à approfondir leur connaissance de la société québécoise, et à mieux comprendre aussi les valeurs humaines et sociales qui existent au Québec. S'ils veulent retrouver leur place dans le débat public, ils sont tenus de se renouveler en profondeur, et d'éviter d'adopter des mesures qui briment les droits politiques de l'adversaire, ou de se tromper de cible lorsqu'ils dénoncent des dérives chez l'adversaire. Se tromper de cible, c'est se tirer dans le pied.
Mais il leur faut aussi renouer avec les idéaux et les valeurs libérales et canadiennes, et les enrichir en les assumant dans leur action politique d'une bien meilleure façon que ce qu'ils ont démontré jusqu'ici. Bien entendu, nous n'avons pas la partie facile dans l'espace public québécois. Le scandale des commandites, par exemple, nous a nuit considérablement, mais à mon avis c'était le prix à payer pour certains comportements dans notre camp qui nous ont rendu vulnérables par rapport à des éléments parasitaires et corrompus, qui ont trahi notre pays en faisant passer leur avidité avant le bien public. Et à ce sujet, nous ne pouvons nous en prendre qu'à nous-mêmes.
Mais en même temps, le niveau de difficulté qui est le nôtre devrait nous fouetter, nous stimuler à faire beaucoup mieux que ce que nous avons fait jusqu'ici. Nous devrions agir comme si nous n'avons plus le droit de rester médiocres. Nous devons donner le meilleur de nous-mêmes dans la promotion des idéaux et valeurs qui sont les nôtres, en adoptant un comportement politique qui soit conforme à ces mêmes valeurs et idéaux.
Évidemment, les fanatiques et intolérants qui nous attaquent de toute leur haine à cause de nos opinions politiques ne nous en aimeront pas plus, et il est même possible qu'ils ne nous en haïssent que davantage. Mais ces gens-là sont tellement ridicules et grotesques qu'ils se tirent dans le pied à coups de bazooka, en plus de nuire considérablement à leur option indépendantiste. Leur existence n'est en fait pas notre problème, mais celui des leaders souverainistes qui devront bien avoir le courage, un jour, de les dénoncer et de s'en détacher radicalement, à la manière courageuse et digne dont fit preuve un René Lévesque, d'ailleurs, qui les vomissait de tout son être (voir la biographie de René Lévesque par Pierre Godin).
Mais depuis la mort de M. Lévesque, on ne voit que des Parizeau, Landry, Duceppe et bien d'autres aller régulièrement faire leurs courbettes serviles et flagorneuses devant cette caricature grotesque de patriote auto-proclamé qu'est Pierre Falardeau, cette incarnation du fanatisme et de l'intolérance haineuse méprisées par René Lévesque. C'est dire à quel point les principaux membres de l'élite indépendantiste sont descendus bien bas, ayant apparemment absolument besoin de s'accrocher aux éléments les plus réactionnaires, caricaturaux et fanatisés du mouvement indépendantiste pour faire avancer leur cause.
Donc, ne nous laissons pas trop omnubiler par ces éructeurs d'insultes haineuses et de calomnies, ces gesticulateurs grotesques de 2X4 et de «chain saw» à la Falardeau, et laissons-les baver leur haine, dans laquelle ils finiront bien par se noyer, parce qu'ils sont trop aveuglés par leur fanatisme pour être le moindrement conscients de leur ridicule. Pensons donc d'abord et surtout aux citoyennes et citoyens du Québec, qui veulent des gouvernements justes et honnêtes, et qui sont souvent laissés à eux-mêmes lorsqu'ils ont recours à l'État, dont la mission fondamentale consiste pourtant à les servir. Nous avons des devoirs à leur égard, autrement nous ne devrions pas prétendre faire de la politique.
Dans son livre «The Conscience of a Liberal», le regretté sénateur américain Paul Wellstone (du Minnesota, qui fut le seul véritable progressiste à siéger au Sénat américain de 1990 à sa mort accidentelle en 2002), affirmait que la politique n'a qu'un seul et unique but: rendre meilleure la vie des gens.
Cette définition a le mérite d'être claire et nette. Mais on dirait que nous, libéraux d'ici, avons oublié cette vérité, qui relève pourtant d'une authentique conception libérale de l'action politique. On a donc bien du pain sur la planche devant nous pour l'assumer et en faire le leitmotiv et le signe de toute notre action politique. Mais c'est à ce prix-là que nos valeurs libérales et notre conception du fédéralisme, de la place du Québec dans le Canada, auront bien plus de chances de faire sens auprès de nos concitoyennes et concitoyens.
Mais si on se ressaisit, on peut en devenir capables, et ainsi ce que nous portons comme idéaux et valeurs, par notre action de tous les jours, et aussi par un discours intelligent et capable de prendre en compte les aspirations réelles des gens, les valeurs et idéaux que nous portons pourraient enfin trouver des chances de rejoindre un nombre élargi de nos concitoyennes et concitoyens. Mais cela dépendra de nous, et seulement de nous.